L’exécutif, plus précisément le Chef de ce pouvoir, le Président Jovenel Moïse, est accusé de s’être attaqué à l’indépendance du pouvoir judiciaire. Pour justifier cette affirmation, on argue que les membres du gouvernement ont signé un arrêté mettant trois juges de la Cour de Cassation à la retraite. Si l’argument semble être solide, il cache pourtant une réalité bien plus grande. Il s’agit de la tentation politique des juges et de l’irresponsabilité de l’opposition radicale qui souhaite semer le chaos au sein du pouvoir judiciaire.
Analysons de plus près les faits. L’article 5 de la loi du 20 décembre 2007, portant sur le statut de la magistrature interdit aux juges toute appartenance politique de nature partisane, est interdite aux juges et aux officiers du Ministère public. Or, les juges concernés ont participé à une tentative de coup d’Etat, ont usurpé la fonction de président de la République ou ont fait campagne pour devenir président. Ces juges, en se laissant tenter par le désir de devenir président, ont violé l’article 5 de la loi du 20 décembre 2007. Ils ont en effet remis en question et violé les notions d’indépendance et d’impartialité de l’appareil judiciaire.
L’opposition radicale, qui ne jure que par une transition pour conquérir le pouvoir, a affaibli le pouvoir judiciaire à sa manière. Les leaders de l’opposition ont inconstitutionnellement proposé le nom de 3 juges de la Cour de Cassation pour combler une prétendue vacance présidentielle. Dès lors qu’ils ont fait germer cette tentation dans l’esprit des juges, il devient impossible pour ces derniers de travailler dans la sérénité.
Cette tentative de l’opposition a semé la pagaille à la Cour de Cassation puisque les magistrats en question se sont désormais considérés comme des rivaux et non comme des collègues magistrats.
Maintenant, dans pareilles circonstances, quel est le rôle du Chef de l’Etat, garant de la bonne marche des institutions ? En effet, l’article 136 de la Constitution dispose que le Président de la République « assure le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ». En conséquence, face au constat que la Cour de Cassation ne peut plus travailler dans la sérénité, que des magistrats sont plus préoccupés pour devenir présidents que pour rendre justice aux justiciables, le Chef de l’Etat devrait trancher. C’est ce qui explique l’arrêté mettant les trois juges concernés à la retraite et la nomination de trois nouveaux magistrats. L’initiative est exceptionnelle mais pas inédite. D’autres présidents de la République avaient naguère utilisé cette solution exceptionnelle pour épargner le pouvoir judiciaire de la dérive.
Jean Ernst Jean Pierre, politologue