Tout le monde le croyait mort; en tout cas il était mort ou il le paraissait. Ses parents, ses amis, ses voisins; tous ont assisté à ses obsèques. Ils ont pleuré sur son cadavre et l’ont souhaité une bonne traversée. En parlant de traversée, l’on se demande lequel des chemins il va entreprendre: le chemin de l’enfer ou celui du paradis?
La vérité c’est qu’il ne va ni en enfer ni au paradis parce qu’il n’a pas subi une mort naturelle mais plutôt il était zombifié.
Tout d’abord on va essayer de comprendre ce phénomène de zombification. C’est un ensemble de processus qui permet d’aboutir à un produit qui est le zombi dans lequel la personne qui, apparemment, est morte, vu qu’on assiste réellement à ses funérailles, est en réalité consciente. Un poison de forte dose lui est administré, ce qui la met dans un profond coma; pour ainsi dire elle se ballade entre la vie et la mort.
Alfred Metraux a défini le zombi comme une personne dont le décès est dûment constaté et enseveli aux yeux de tous, que l’on retrouve quelques années plus tard chez un « bokor » et qui se trouve dans un état d’idiotie.
Le corps humain en général subi deux types de mort selon l’anthropologue Emmanuel Stéphane Laurent: la mort clinique et la mort cérébrale. La zombification est une mort apparente car les fonctions vitales sont pratiquement faibles voir dysfonctionnelles, ainsi on déclare la personne morte. En effet, le constat de sa mort clinique est vérifiée tandis que ses capacités cérébrales continuent de fonctionner.
Une fois qu’elle est enterrée, le hougan et ses acolytes (badjougan) vont alors au cimetière pour perdre le corps de cette personne en l’administrant un antidote ( dlo revni) et remettre vie à ce corps inerte et enterré. Une fois cette personne retrouve sa mobilité il devient la chose de son maître (le bokor) qui a toute une autorité sur sa nouvelle vie. La personne zombifiée ou encore le zombi perd la totalité de son indépendance. Celui-ci a généralement la tête baissée, les yeux vides de sens, une voix nasillarde et un caractère de soumission totale telle un pantin. Un mort-vivant n’a pas de souvenir, son cerveau est complètement formaté et vide. Un zombi a souvent perdu la mémoire bien que d’autres retrouvent certains de leurs souvenirs malgré leur état d’hypnose, il peut entendre, il peut marcher, il peut manger mais il ne peut rien sentir.
Même si le poison n’a aucun effet mortel sur la capacité cérébrale cela ne veut pas dire que le cerveau reste intact, donc il a subi certains dommages comme la perte des souvenirs et la capacité de penser. Sa nourriture est très spéciale car celle-ci doit être dépourvue de sel. La consommation est interdite au zombi car cela les permet de recouvrir leur lucidité. Le mort-vivant doit travailler du matin au soir pour son maître sans se reposer, il subit des coups de fouets sanglants pour lui forcer à travailler beaucoup.
Les zombis travaillent partout. On les retrouve les plus souvent dans les champs, dans les maisons d’habitation (péristyle), au marché, dans les supermarkets jouant le rôle de gardien. Les prostituées utilisent souvent cette pratique pour attirer des clients dans leurs petites affaires, ceci dit que les zombis ont atteint un stade plus évolutif. ils côtoient parfois des gens normaux. certains se demandent, sûrement avec le cœur peiné, pourquoi zombifier quelqu’un et le réduire à un état pareil?
Dans le milieu vaudouesque, la zombification est souvent un châtiment, c’est une sanction infligée à une personne qui fait du tort à une famille, une personne ou à la société. On dit que c’est l’ultime des peines comme l’on peut le comparer à la peine de mort dans certaines législations.
Avant de subir la zombification il y a un tribunal vaudou qui juge la personne coupable ou l’inculpé si l’on peut vraiment le dénommer ainsi. On trouve tous les représentants d’un tribunal ordinaire comme les juges, les avocats, les témoins, la famille et amis de l’inculpé. Cela se fait dans un procès ou la décision est prise à l’unanimité.
Selon Max Beauvoir, dans ce tribunal, sur 100 personnes s’il y a 99 pour la condamnation et une personne contre, la peine ne sera pas prononcée ni exécutée, autrement dit la personne ne sera pas condamnée à la zombification. Néanmoins, il arrive dans certains cas de zombifier quelqu’un par égoïste ou pour faire de la méchanceté à une personne. En Haïti, les raisons sont diverses : des affaires terriennes, des règlements de comptes, des scènes de jalousies et autres.
La zombification n’est pas toujours regardée de bon œil, il y a certains qui le voient comme une création imaginaire haïtienne, une légende qui n’est pas prise très au sérieux. C’est un fantasme de l’occident, une manœuvre de dénigrement du peuple haïtien à l’échelle internationale, c’est une façon de discriminer la société haïtienne, a écrit Laennec Hurbon dans son livre intitulé « le barbare imaginaire ». L’existence des zombis est une croyance légendaire selon Jean Price, auteur du chef-d’œuvre ayant pour tire « Ainsi parla l’Oncle. »
Les zombis, pour d’autres, existent mais ils ont très peur d’en parler, ils considèrent ce phénomène comme une forme d’esclavage. Les zombis existent parce qu’il y a des cas qui ont été constaté comme celui de de Clairvius Narcisse qui a été zombifié et transformé en travailleur de champs.
Les esclaves au XIX e siècle étaient des choses consacrées à leurs maîtres et subissaient les pires tortures, ils étaient les biens meubles de leurs maîtres (art 44 du code noir de 1685). Ils travaillaient du matin au soir, leur nourriture était limité à un maigre repas, ils ne pouvaient pas faire ressentir leurs besoins. Pour ces personnes, il n’existe aucune différence entre un zombi et un esclave de cette époque sinon le zombi est un esclave aliéné par les esprits du mal.
En Haïti, la fête des morts est célébrée chaque 1er et 2 du mois de novembre, des cérémonies sont organisées dans des cimetières afin de rentrer en communication avec les morts qui sont sous la tutelle de Baron (le dieu de la mort) et les guédés. C’est une tradition remarquable qui met en transe certains personnes possédées par des « loas guinés » venus d’Afrique. Une fête qui, malheureusement cette année, est bafouée par la crise socio-politique de notre pays.
« Hélas! Mò yo pa ka manje ane sa ni yo paka bwè ane sa. Tout sa yo ka wè se san pèp la k’ap koule sou tèt katedral pou chante ochan koripsyon.
Mò yo pa kontan ane sa , gede pa soti ane sa, seremoni pa fèt nan tradisyon an nan simitye pòtoprens, bagay yo badijonnen ane sa. »
En effet, les morts ont déjà fait leur traversée vers l’au-delà, ils sont partis pour ne plus revenir, mais pour les zombis, ils sont quelque part et rôdent dans la nature, ils attendent leur tour dans le tourment de leur âme.
Les zombis ne sont pas des fables racontées pour faire peur ni une histoire inventée, ils sont réels et ils existent mais la grande question que l’on se pose : est-ce que la zombification est une culture à explorer ou l’esclavage sous une autre forme?
Lamaria