Multiples sont les articles, les activistes et groupes en Haïti qui parlent de changement de comportement social, mais rares sont ceux parmi eux qui appliquent ce qu’ils prêchent.
Quand il s’agit des groupes marginalisés, la confiance est souvent pour ne pas dire toujours absente. On veut bien prêcher d’aimer son prochain comme soi-même, que nous sommes tous des gens « nou tout se moun », mais nous n’arrivons pas à surmonter nos préjugés acquis depuis la naissance. Nos bagages de comportements de gens de bien, nous alourdissent le pas entravant nos envies de bien faire.
Il est commun dans les pays plus développés que différentes couches sociales se mélangent et se fréquentent sans que cela dérange grand monde, mais ici en Haïti on ne mélange pas les couches sociales, on veut bien les aider, on compatit à leurs problèmes, mais qu’ils restent de leur côté. S’ils osent d’ailleurs s’aventurer hors de ce périmètre invisible, la réplique fuse « yo pa gen tan sou moun » une façon de dire qu’ils abusent de votre gentillesse et qu’ils ont dépassé leurs limites.
Ce genre de réactions est en général instinctif et vous ne réalisez même pas que vous faites de la discrimination, car vous êtes une bonne personne. Mais ces préjugés invisibles et inconscients que vous trimballez apparaissent sans que vous vous en rendiez compte. Vous tiquez lorsqu’un employé boit dans un verre de maison, vous êtes gêné quand une personne de classe moindre se pointe à la piscine d’un hôtel, vous dites sans y prendre garde que votre enfant ne joue pas avec n’importe qui, vous surveillez votre sac de plus près quand un pauvre ou un employé est dans les parages.
Pour combattre ce genre de réactions instinctives, il faut être constamment sur le qui-vive, réfléchir mûrement avant d’émettre une opinion, questionner ses motivations sans cesse et surtout se remettre en question.
Le changement social auquel nous aspirons tous ne saurait avoir lieu dans les conditions actuelles de suspicion, de méfiance et de mépris qui règnent dans notre subconscient. Car nous voulons bien aider et faire de la charité, mais nous ne sommes pas encore au point de l’acceptation de notre prochain, si l’éducation et la classe sociale de celui-ci ne sont pas à notre niveau.
Le meilleur moyen, à mon avis, serait de commencer avec les enfants, laissez vos enfants avoir des amis de différentes classes sociales, acceptez ses amis dans vos fêtes, votre maison, vos divertissements. Vos enfants grandiront ainsi avec un autre regard sur notre société et les enfants des autres aussi. Car les préjugés ne sont pas dans un seul camp.
Muriel Vieux