Depuis quelques temps, nous avons constaté des actes de violence de policiers réclamant le droit de syndiquer. Plusieurs bureaux de l’Inspection Générale de la Police Nationale d’Haïti (IGPNH) ont été vandalisés par ces policiers. Alors qu’ils participaient à une marche de revendication, ils ont mis le feu aux stands de carnaval dont celui du Président de la République qui se trouvaient au Champ-de-Mars ce lundi 17 février 2020. Quand un policier fait paraitre sa frustration cela ne met-il pas en danger toute une population ?
Les agents sont soumis à des contraintes dans leurs revendications suivant le devoir de réserve. Sachant que la mission de cette institution est de garantir la sécurité des vies et des biens, de maintenir l’ordre, les policiers ne peuvent pas syndiquer selon les règlements internes de la PNH.
À travers un arrêté du Premier Ministre d’alors Laurent Salvador Lamothe, l’article 11-2 précise: « Ils (les fonctionnaires de la Police Nationale) ne jouissent ni du droit de grève, ni du droit syndical et l’exercice d’activités politiques leur est interdit». Plus loin, l’article 71 dispose : « Le personnel de la police doit en tout temps et en tout lieu , qu’il soit en service ou non , s’abstenir de tout acte , geste, parole ou manifestation quelconque a troubler l’ordre public , à jeter le discrédit sur les institutions nationales ou sa corporation ». Ces articles montrent clairement que ces actes sont condamnés par la PNH puisqu’ils troublent à l’ordre public.
Bien que la Constitution reconnaisse le droit à la liberté syndicale selon l’article 35-3, cependant, une institution peut faire des restrictions quand il s’agit de l’intérêt général, comme par exemple en raison de la mission de la PNH.
Même les conventions internationales que la République d’Haïti a elle-même ratifiées comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, la Convention américaine relative aux Droits de l’Homme reconnaissent des exceptions pour des institutions telles que l’armée et la police.
Si certaines règles et conventions sont strictes là-dessus, pourquoi les policiers insistent tant à parler de syndicat sans penser aux conséquences ?
À cet effet, il n’y a pas que les règles qui constituent un obstacle au syndicat, cela renvoie aussi à notre réalité sociale. Qui dit syndiquer en Haïti fait référence directement à la grève et nous comprenons ce que cela veut dire de grever en Haïti.
Des policiers qui font la grève exposent une population à la merci des bandits qui font la loi, profitant de la recrudescence de l’insécurité. Un policier gréviste peut-il arrêter une personne même en cas de flagrance ? Peut-il intervenir dans un conflit ? Or l’arrêté du 20 juin 2013 relatif au statut particulier des fonctionnaires de police en son article 67 fait obligation aux fonctionnaires de la police nationale de maintenir de l’ordre public. Ils ont le devoir d’intervenir de leur propre initiative pour porter aide et assistance à toute personne en danger ou pour réprimer tout acte de nature à troubler l’ordre public.
Autre obstacle qui se présente : le syndicat ne serait-il pas aussi un moyen de protéger des « bandits » qui se trouvent dans cette institution déjà fragilisée?
La police nationale est une institution apolitique, l’article 7 de la loi du 28 novembre 1994 régissant le fonctionnement de la PNH dispose : « la police nationale est instituée auxiliaire des pouvoirs publics en vue de maintenir l’ordre en général et de prêter force à l’exécution de la loi et des règlements, elle a pour mission d’assurer la protection et le respect des libertés des personnes, des vies et des biens (…) »
Malgré cette interdiction, des agents déterminés n’entendent pas faire marche arrière, une marche réunissant des centaines de policiers a tourné au vinaigre jusqu’à provoquer une forte tension dans la capitale. Des policiers encagoulés ont utilisé des armes à feu, ont tiré en l’air et ont incendié les stands destinés à la réalisation du carnaval, ce qui a créé une situation de panique dans la capitale, précisément dans la zone du Champ-de-Mars. Si la police est là pour garantir l’ordre, la paix, la sécurité, la tranquillité qu’advient-il quand elle nuit elle-meme à l’ordre public ? Ne serait-ce pas une rébellion au pouvoir légalement établi?
Lamaria