Selon plusieurs sources médiatiques, sauf revirement de situation, les membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) devraient révoquer Me Hans Jacques Ludwig Joseph, Directeur Général de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), lors du prochain conseil des ministres. Cette décision pourrait également concerner plusieurs autres directeurs généraux d’institutions publiques.
Certes, en l’absence d’un président élu, les conseillers du CPT exercent l’essentiel des pouvoirs exécutifs, y compris la nomination et la révocation des hauts fonctionnaires. Toutefois, la possible éviction des directeurs généraux dynamiques, dont Me Joseph suscite des interrogations et des critiques, tant son engagement dans la lutte contre la corruption a été marqué par une rigueur scientifique et un dynamisme indéniable.
Un combat acharné contre la corruption
Depuis son entrée en fonction, Me Hans Jacques Ludwig Joseph a fait preuve d’une volonté ferme de redorer l’image de l’ULCC et de renforcer son rôle dans la traque des actes de corruption au sein de l’administration publique. Indépendamment des influences politiques ou économiques, il a mené des enquêtes approfondies, sans complaisance, suscitant autant d’admiration que d’hostilité.
Sa gestion de l’affaire impliquant la Banque Nationale de Crédit (BNC) et des membres du CPT illustre cette détermination. Après la révélation d’un présumé détournement de 100 millions de gourdes, où l’ex-DG de la BNC, Raoul Pascal Pierre-Louis, aurait été sollicité par des membres du CPT en échange de son maintien à la tête de l’institution, l’ULCC a ouvert une enquête indépendante. Les conclusions transmises au Parquet de Port-au-Prince ont révélé des indices sérieux pouvant justifier des poursuites judiciaires.
L’ULCC face aux puissants du CPT
Me Joseph a ainsi osé s’attaquer à trois des neufs figures représentantes du Conseil Présidentiel de Transition : Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire. Malgré leur statut particulier et le pouvoir dont ils disposent, il a privilégié la vérité et l’intérêt public au détriment des avantages politiques et personnels.
Cependant, la réponse des trois conseillers-présidents ne s’est pas fait attendre. Grâce à leur position de « Chefs d’État collectifs », ils bénéficiraient d’une immunité temporaire qui les protège de toute poursuite judiciaire pendant l’exercice de leurs fonctions. La Cour d’appel a récemment ordonné au juge d’instruction de surseoir à l’enquête les concernant, invoquant cette protection juridique.
Ce développement est perçu par beaucoup comme un coup dur porté à la lutte contre la corruption. Non seulement les trois conseillers échappent, pour l’instant, à la justice, mais leur volonté apparente d’écarter Me Joseph semble s’inscrire dans une dynamique de représailles.
Une manœuvre de représailles ?
En réaction à la décision controversée de la Cour d’appel, les trois conseillers semblent vouloir affirmer leur autorité en évinçant le directeur de l’ULCC. Une telle révocation serait-elle une façon pour eux de clore définitivement cette affaire embarrassante ? De prouver qu’ils détiennent le dernier mot ?
Cependant, peut-on s’innocenter en révoquant un enquêteur ? Peut-on espérer que cette affaire soit classée sans suite simplement en supprimant l’un des acteurs clés de l’enquête ?
Certes, les autorités de transition ont le pouvoir de nommer ou de révoquer les dirigeants d’institutions publiques, mais la lutte contre la corruption dépasse les individus. Qu’ils le veuillent ou non, l’ULCC demeure une institution essentielle, et tant qu’elle sera dirigée par des hommes et des femmes intègres, elle continuera d’être un rempart contre l’impunité.
Une décision aux lourdes conséquences
Révoquer Me Hans Jacques Ludwig Joseph dans ce contexte donnerait un signal préoccupant : celui d’un recul dans la lutte contre la corruption en Haïti. Cela renforcerait l’idée que l’appareil d’État est toujours sous l’influence de ceux qu’il est censé contrôler. Cela pourrait également décourager d’autres fonctionnaires intègres qui tenteraient de défendre les intérêts du pays contre les abus et la mauvaise gestion.
La nation haïtienne aspire à plus de justice, de transparence et d’intégrité dans la gestion des choses publiques. Pour cela, il est essentiel que ceux qui ont prêté serment de servir l’État honorent leur engagement. Une transition réussie ne se mesurera pas à la capacité des dirigeants à neutraliser tous ceux qui ils ne maîtrisent pas, mais à leur volonté de mettre en place des bases solides pour un avenir plus juste et équitable.
Dans un pays où la corruption a trop longtemps gangrené l’administration publique, chaque décision politique envoie un message fort. Révoquer Me Hans Jacques Ludwig Joseph dans ces circonstances risquerait de donner l’impression que l’impunité l’emporte sur la vérité.
Il appartient aux dirigeants de prouver qu’ils méritent le titre de « Chefs d’État » qu’ils occupent temporairement. Leur responsabilité historique est de renforcer les institutions, non de les affaiblir. La vraie grandeur d’un dirigeant se mesure à sa capacité à garantir la transparence et l’intégrité, même lorsque cela signifie en payer les prix.
Marc-Arthur F. André