Estimant que l’État haïtien a été victime d’une véritable escroquerie de 28 millions de dollars américains, somme qui aurait pu être évitée si le directeur général du Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD), Fils-Aimé Ignace Saint-Fleur, avait bien accompli sa mission ou n’avait pas été de connivence avec la compagnie Preble-Rish qui fournit de carburant à l’État haïtien, le Premier ministre d’alors, Garry Conille, avait saisi l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) afin de diligenter une enquête.
Peu de temps après, soit le samedi 27 juillet 2024, le directeur général de l’ULCC, Hans Jacques Ludridge Joseph, ordonnait à ses enquêteurs de mener un débarquement spectaculaire « an changgo » dans le bureau central du BMPAD. Plusieurs matériels furent saisis et certains bureaux scellés. L’opinion publique, saluant cet acte rare, y avait vu une victoire du bien commun sur les intérêts de clans et de puissants prédateurs politiques.
Un an et 22 jours après cette descente des lieux marquant l’ouverture officielle de l’enquête, aucun rapport n’a été publié. Aucune mesure administrative n’a été prise contre les personnalités suspectées dans ce scandale. Le directeur général Ignace Saint-Fleur est resté en fonction comme si de rien n’était. La perquisition draconienne menée par le DG Hans Joseph du BMPAD, ressemble désormais à une sortie médiatique pour tromper l’opinion publique.
Un an et 22 jours après, la question persiste : où est passée cette enquête censée faire la lumière sur la perte de 28 millions de dollars pour un État si appauvri, alors que des milliers d’Haïtiens dorment à la belle étoile dans des conditions indignes et inhumaines. Pendant que la faim et le désespoir fauchent des vies chaque jour.
Faut-il croire aux rumeurs faisant état d’un pot-de-vin de 750 000 dollars américains qu’Ignace Saint-Fleur aurait versé à son corregionnaire du Nord-Est, Hans Joseph, pour enterrer le dossier ou “rale fèy kouvrisa” ? Ou doit-on plutôt se fier aux analyses de certains observateurs affirmant que, grâce à la protection inconditionnelle du conseiller présidentiel Fritz Alphonse Jean, Ignace Saint-Fleur demeure intouchable à son poste ?
L’histoire récente rappelle que sous l’administration Ariel Henry, Ignace Saint-Fleur, le dirigeant du parti politique Bouclier bénéficiait déjà d’une couverture sans faille de Me André Michel, son ancien allié du parti Konvansyon Inite Demokratik (KID), et qu’au temps de Jovenel Moïse, les députés de son nouveau parti, Gary Bodeau et Profane Victor, tous deux sanctionnés pour corruption et financement de gangs armés, lui avaient aussi servi de remparts.
Alors que la firme Preble-Rish contraint l’État haïtien à lui verser 28 millions dollars américains de dédommagement, l’ULCC a l’obligation de publier son rapport. Non seulement pour éviter des fuites anticipées à la veille des changements annoncés dans plusieurs directions générales, mais surtout pour préserver l’image de son directeur général, encore perçu par une partie de l’opinion comme un homme intègre.
Max Édouard Pierre