Il ne suffit pas de réclamer que le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé et les Conseillers-Présidents d’assumer leurs responsabilités. Face à certains soupçons, la société entière doit s’ériger en vigie, dénoncer avec force et constance les scandales qui entachent les institutions de l’État et exiger des comptes. Quand il s’agit de corruption à grande échelle, le silence devient complicité.
Le 25 juillet 2024, l’ancien Premier ministre Garry Conille avait tiré la sonnette d’alarme en affirmant que l’État haïtien avait été lésé dans le cadre du dédommagement accordé à Preble-Rish Haïti S.A. par le Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD) à hauteur de plus de 28 millions de dollarsaméricains. Quelques heures plus tard, le Directeur général de l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), Jacques Hans Ludrige Joseph, avait annoncé l’ouverture d’une enquête. Un geste rapide, mais resté jusqu’à présent sans effet.
Effet, 13 mois après, le dossier s’est enfoncé dans un silence troublant. Ni l’ULCC, ni l’Inspection Générale des Finances, ni le Parquet de Port-au-Prince n’ont donné suite de manière transparente. Ce mutisme institutionnel laisse planer les pires soupçons et donne l’impression d’un vaste “rale fèy kouvri sa”, une stratégie pour étouffer une affaire qui touche aux plus hauts niveaux de l’État.
Pendant ce temps, Ignace Saint-Fleur, directeur du BMPAD et chef du parti Bouclier, continue de gérer sans être inquiété. Son nom est régulièrement associé à des pratiques douteuses, entre compromis et compromissions. Après la chute d’Ariel Henry, la fuite de Garry Bodeau et l’arrestation de Profane Victor, beaucoup espéraient un renouvellement à la tête du BMPAD après huit années de règne. Mais c’est le contraire qui s’est produit : le silence des forces vives de la société a consolidé son pouvoir.
Il est urgent que la société civile, les médias et les institutions indépendantes brisent ce mur d’indifférence pour exiger au DG du BMPAD, Fils-Aimé Ignace Saint-Fleur des comptes. La perte suspecte de 28 millions de dollars n’est pas un détail. Elle symbolise la faillite d’un système où la corruption prospère dans l’ombre, pendant que la population s’enfonce dans la misère. Se taire, c’est accepter. S’indigner, c’est exiger que justice soit faite.
Marc Édouard Pierre