216 ans depuis qu’on ait vaincu la plus grande armée de l’histoire lors de la bataille de Vertières, nous voilà en ce jour confronté aux plus grands maux de cette Nation. Il nous est venu le temps de réfléchir sur un point crucial de cette crise à laquelle nous faisons face depuis des semaines et aussi d’analyser les conséquences qui pourraient nous être fatales.
Durant cette année 2019, l’on sait que le plus grand défi des autorités de ce pays est de réaliser les élections pour renouveler le personnel politique du Parlement haïtien.
Comme il est écrit dans la Constitution de 1987 amendée le 9 mai 2011 en son art 90-1 : « L’élection du député a lieu le dernier dimanche d’octobre de la quatrième année de son mandat. » Ce qui signifie que les élections auraient dû s’organiser dimanche 20 octobre 2019, malheureusement cela n’a pas été fait comme prévu. Il n’y a pas seulement les députés, 2/3 du Sénat arrivent à la fin de leur mandat soit 19 des 30 sénateurs. Si nous faisons omission de Guy Philipe, nous avons 29 sénateurs qui sont en fonction.
Selon ladite Constitution, les sénateurs sont élus pour 6 ans et sont indéfiniment rééligibles. Ils entrent en fonction le deuxième lundi de janvier qui suit leur élection (art 95). Ce que nous devons noter, c’est bien le renouvellement du Sénat qui se fait par tiers tous les deux ans.
Il est à souligner que le mandat de 10 sénateurs a été prolongé pour un an en 2018 parlant de Antonio Cheramy, Évalière Beauplan, Nawoon Marcelus, Carl Murat Cantave, Jacques Sauveur Jean, Wilfrid Gelin, Ricard Pierre, Hervé Fourcand, Saurel Jacinthe, Francenet Denius. Le mandat de ces sénateurs a pris fin soit en novembre 2018 d’où les élections ont été reportées, donc il n’y avait pas de renouvellement pour les sénateurs élus en 2016. Les dix sénateurs élus en 2015 et entrés en fonction en janvier 2016 resteraient à leur poste jusqu’en 2020.
Entre autres, les élections de cette année devraient non seulement remplacer ces dix sénateurs mais aussi dix autres dont leur mandat est à terme en 2019. Ce qui fait au total vingt sénateurs qui seront en fin de leur mandat. Par contre un montant de trois milliards de gourdes a été prévu au budget 2018-2019 pour la réalisation de ces élections. Budget qui n’a pas été voté.
Cette situation montre clairement ce vide institutionnel, non seulement les députés élus pour 4 ans arrivent à la fin de leur mandat mais aussi il y a seulement dix sénateurs qui formeront le Sénat en 2020. C’est-à-dire que l’Assemblée Nationale composée des deux Chambres ne pourra pas siéger ou prendre des résolutions, selon la Constitution (art 102).
Il n’y aura pas de législature. Ce qui prouve clairement la caducité du parlement. Maintenant, que dit la Constitution quand le Parlement est caduc?
Généralement en cas de dysfonctionnement ou de caducité du Parlement, le Président de la République dirige par décret.
Le décret est un acte ayant force de loi adopté par l’Exécutif en l’absence du Parlement. Dans la législation haïtienne, le Sénat siège en permanence c’est-à-dire que le président n’a pas la latitude d’adopter des décrets ayant force de loi car la loi est l’attribution exclusive du Parlement, selon l’art 95-1 de la Constitution de 1987 amendée. Mais de fait, l’Exécutif peut profiter du vide institutionnel quand le Parlement est dysfonctionnel pour gouverner par décret.
Depuis plus d’un an, la population haïtienne réclame à tue-tête le départ du président Jovenel Moïse, les secteurs économique et public sont bloqués depuis plus de deux mois. Des casses, des morts violents sont enregistrés lors des mouvements de protestation. Le président Moïse de son côté limite ses apparitions publiques et se plie dans le plus profond silence. Il n’a ni l’autorité d’un président ni l’aura d’un Chef d’État. Ses discours ne font qu’enfoncer la population dans le plus profond tohu-bohu alors qu’il dit entamer de réformes au sein de l’État.
Dans un contexte sensible où l’opposition refuse de s’asseoir avec le Chef de l’État qu’il estime incapable diriger, où la population vit au jour le jour dans la peur, l’angoisse et l’insécurité, le maintien du président n’est probablement pas une solution à l’aggravation de cette crise mais l’on se doute fort de celui qui le remplacera.
Dans un cadre légal, en cas de démission du président de la République, il revient au Conseil des Ministres, sous la présidence du Premier ministre, d’exercer le Pouvoir Exécutif jusqu’à l’élection d’un autre président (art 149 de la Constitution amendée). Néanmoins, l’histoire est cocue cette fois, on le sait tous que depuis après la démission du Premier ministre Jean-Henry Céant en mars dernier, le pays n’a aucun gouvernement légitime.
Dans cette situation chancelante, quelques propositions sont faites comme la désignation d’un Juge de la Cour de Cassation pour remplacer le président que la population force à démissionner tandis que la Constitution en vigueur a déjà établi la procédure pour remédier de tel cas.
Il est triste de voir le pays sous cette allure d’anarchie constitutionnelle. Rien n’est sous contrôle, pas même la loi-mère de l’État qu’est la Constitution. La loi doit protéger les libertés publiques et individuelles contre l’oppression de ceux qui gouvernent mais qui protège la loi? Quand la loi ne protège pas les libertés publiques que devient-on? On n’est tous plongé dans une débandade démesurée. Il est temps d’exposer les vraies plaies de cette Nation, cessez d’effleurer ce cancer qui nous tue à petit feu.
Le système va mal parce qu’on ignore la Constitution et que l’on fait ce qui est bon pour l’individualité et non la collectivité. Comment peut-on changer un système dans l’inconstitutionnalité ?
Lamaria