À deux mois de la fin du mandat du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), l’heure devrait être au bilan et à la décence. Ses membres auraient dû préparer leur départ et présenter à la population un mea culpa sincère pour leur incapacité à remplir leurs missions fondamentales : rétablir la sécurité, organiser les élections, conduire le référendum constitutionnel et permettre l’avènement d’un pouvoir démocratiquement élu. Au lieu de cela, ils semblent une fois de plus privilégier les manœuvres politiciennes au détriment de l’intérêt collectif.
Comme ils l’avaient fait pour protéger trois de leurs membres : Louis Gérald Gilles, Smith Augustin et Emmanuel Vertilaire, impliqués dans un scandale de corruption à la BNC malgré un rapport accablant de l’ULCC, les conseillers présidentiels paraissent aujourd’hui unis pour orchestrer une nouvelle diversion. Leur dernier coup en date : tenter d’imposer Arnoux Descartes comme Premier ministre en remplacement d’Alix Didier Fils-Aimé. Un choix qui frise l’insulte à l’intelligence collective, comme si un homme pouvait, en seulement deux mois, réparer les torts accumulés par le CPT pendant près de deux ans.
Il est vrai que la gouvernance du Premier ministre Fils-Aimé a été régulièrement parasitée par les interventions intempestives des conseillers, davantage préoccupés par leurs clans que par le bien commun. Leur obsession à contrôler l’État a ouvert la voie à la corruption, au népotisme et à la perpétuation de leur pouvoir. Pourtant, il faut reconnaître à Alix Didier Fils-Aimé un mérite majeur : il n’a jamais ménagé ses efforts dans la lutte contre les gangs. Sous son administration, Haïti a, pour la première fois, déployé des drones kamikazes pour neutraliser les groupes armés et protéger les forces de police et militaires. Serait-ce cette détermination qui lui vaudrait sa révocation ?
Or, Arnoux Descartes, dont la réputation est déjà entachée selon des révélations d’une radio de la métropole du Sud, serait impliqué dans le détournement de plusieurs chèques liés à un projet qu’il supervisait. Cette manœuvre, si elle se confirme, serait perçue comme une véritable provocation à l’égard de la population, et pourrait alimenter un soulèvement populaire inédit. Promouvoir Descartes reviendrait à céder aux revendications des gangs, qui n’acceptent que le départ de Fils-Aimé en raison de sa stratégie anti-gang. Le CPT est-il en train de choisir ouvertement son camp ? Si tel est le cas, la réponse de la population ne se fera pas attendre.
Frantz Jean-Louis
