Disons d’entrée de jeu qu’il n’y a rien de plus abominable et de plus monstrueux que d’abuser (particulièrement sexuellement) d’enfants mineurs, surtout quand leurs agresseurs sont ceux-là mêmes qui sont placés pour les protéger. Il y a donc lieu de parler de circonstances aggravantes et les auteurs de tels crimes, de telles atrocités et de telles immoralités, quels qu’ils soient, doivent être punis avec la rigueur la plus impitoyable de la loi.
Ces derniers jours, des accusations gravissimes d’abus sexuels contre des filles mineures, hébergées au Centre FIFA Goal de la Croix-des-Bouquets, ont fait la Une de l’actualité et ont provoqué un choc énorme dans beaucoup de secteurs du milieu sportif et dans la société haïtienne. Ces accusations portées contre le président de la Fédération Haïtienne de Football, Yves ‘‘Dadou’’ Jean-Bart, doivent être prises au sérieux et doivent faire l’objet d’une minutieuse et diligente enquête pour que lumière soit faite sur la question.
Cette lutte, nous nous devons de la mener au nom de nos propres enfants qui peuvent être les prochaines victimes si pareilles allégations venaient à être prouvées et si la société et la justice ne faisaient rien pour punir pareils crimes. On ne saurait transiger sur ces principes. Cependant, cela doit se faire en toute justice.
Maintenant, quel est le fonds du problème? Le cauchemar quotidien, et cela depuis de longues années, d’un petit groupe d’acteurs et d’opérateurs du football haïtien, c’est la présence et la longévité de Dadou à la tête de la Fédération Haïtienne de football (FHF). Il faut à tout prix le déloger. Les tentatives se sont multipliées mais sans succès. La mission a été jusqu’ici impossible en raison notamment du leadership dynamique du Docteur Jean-Bart, un virtuose de la dialectique, qui a pu rallier le soutien continu et sans faille de l’écrasante majorité des clubs affiliés.
Entretemps, un certain Romain Molina (un étranger) et les détracteurs de Dadou, agissant de connivence, semblent lui avoir porté un coup quasi fatal en obtenant la publication, dans un important journal Britannique (The Guardian), d’accusations accablantes de crimes sexuels contre de jeunes joueuses placées sous la responsabilité du président de la FHF.
Nous avons appris qu’à l’instigation d’un ancien joueur de la sélection nationale et d’un promoteur du football en Haiti, Romain Molina serait entré en contact avec Kencia Destinvil, une ancienne bénéficiaire du programme FIFA Goal vivant actuellement aux Etats-Unis, pour lui demander de contacter certaines de ces jeunes joueuses dans cette quête de témoignages accablants contre Dadou.
Deux jeunes joueuses vivant dans le Centre FIFA Goal, communément appelé le Ranch de la Croix-des-Bouquets, nous ont confié sous couvert de l’anonymat, qu’elles ont reçu un appel de Kencia Destinvil qui leur a informé qu’un ‘‘blanc’’ allait les appeler et qu’il fallait témoigner contre Dadou pour qu’elles puissent en retour recevoir des avantages.
‘‘Kencia m’a appelé et m’a dit qu’un blanc qui s’appelle Molina allait appeler et que je devais parler dans le sens qu’il aura indiqué parce que, si Dadou m’expulse du centre, le blanc a des contacts aux Etats-Unis et en Angleterre, il pourra faire des arrangements pour me faire voyager et obtenir l’asile politique,’’ a déclaré une de ces filles qui affirme avoir rejeté cette offre.
‘‘Dadou est comme un père, un grand-père pour nous. Nous sommes toujours contentes de le voir quand nous avons l’occasion. Il ne nous fait aucun mal et, au contraire, il ne nous veut que du bien,’’ a déclaré une autre joueuse qui dit avoir elle aussi été contactée par Kencia Destinvil.
Une joueuse haïtienne qui joue actuellement en France, nous a expliqué lors d’une conversation téléphonique que Kencia et Molina ont insisté auprès d’elle pour qu’elle dénonce le Dr Jean-Bart. ‘‘Je leur ai dit que c’était déloyal et malhonnête, ce qu’ils étaient en train de faire. Dadou ne mérite pas ça,’’ a-t-elle fait savoir.
‘‘Par exemple M. Molina m’a dit ‘Il faut dire quelque chose qui puisse nous aider à forcer la FIFA à se débarrasser de ce criminel. Il n’a pas sa place à la tête de cette fédération’ ‘’, a-t-elle rapporté.
‘‘Je faisais partie du programme et c’est grâce à Dadou et à la FIFA que je suis là où je suis maintenant. Moi, je n’ai jamais été victime de ces choses-là, mais je ne peux pas parler pour les autres’’, a-t-elle indiqué. ‘‘Mais si on a des preuves, et il s’agit de graves accusations, on doit les présenter pour que la justice puisse faire son chemin,’’ a expliqué cette joueuse haïtienne qui nous parlait de la France sous couvert de l’anonymat.
Kencia Destinvil, qui faisait partie de la première promotion du programme Sport/Études à l’académie Camp Nous de la FHF, a eu maille à partir avec les dirigeants de la Fédération qui étaient réticents à lui rendre son passeport quand elle voulait se rendre aux USA pour visiter un proche, alors que le visa obtenu pour les joueuses par la fédération était délivré précisément pour faciliter le déplacement des joueuses pour des évènements sportifs, des stages et d’autres activités liées aux programmes de la fédération. La jeune fille faisait déjà une campagne contre Dadou, et son père, qui s’était rendu à cette époque-là au ranch pour faire du tapage et insulter les responsables de la Fédération, avait, selon des témoins, promis de faire payer très cher à Dadou.
Face à la pauvreté qui sévit dans le pays, certains parents préfèreraient voir leurs enfants, dont les passeports contiennent un visa américain, laisser le pays pour aller vivre aux USA en quête d’une vie meilleure ou dans l’espoir d’un lendemain plus prometteur, n’étant pas toujours sûrs de ce que demain sera fait.
Le programme a eu un pré-lancement en 2001, mais a véritablement débuté en 2011 avec la détection de talents, et le 30 mai 2012 l’académie Camp Nous, construite par des Allemands, a été inaugurée. Le projet héberge maintenant 339 enfants répartis en 6 promotions dont 4 de filles.
Romain Molina, qui serait alimenté par l’opposition farouche à Dadou, a allégué un certain nombre d’agressions, sans que ces dernières ne soient situées dans le temps. Il n’y a aucun repère, aucun fait vérifiable. Par exemple, il y a une dame dont on dit qu’elle est celle qui prédispose les filles aux forfaits perpétrés par Dadou. Le nom d’une telle ‘‘criminelle’’ ne doit aucunement être tu. Pourquoi ne pas le révéler?
Et de plus, aucune organisation féministe, qui aurait été très sensible et réceptive quant à pareilles plaintes, n’a été touchée; la presse locale ou les organisations des droits humains non plus. C’est de préférence Dadou Jean-Bart lui-même qui a, depuis le mois de mars, sollicité une enquête indépendante du Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH). Une information confirmée par le responsable du RNDDH, Pierre Espérance, qui a annoncé cette semaine qu’une équipe était mise en place à cette fin.
Dadou, qui a catégoriquement nié les accusations portées contre lui, s’est dit prêt à coopérer dans toute enquête diligentée à partir des allégations relayées dans les médias. Et ce comportement est correct.
Romain Molina – qui parlait dans une vidéo avec un zeste, voire des relents de racisme – a présenté le Docteur Jean-Bart comme un homme puissant, un vil criminel et un violent sans foi ni loi, qui inspire la peur à un point tel que ses victimes n’osent pas le dénoncer, craignant pour leurs vies. Cependant, pour peu qu’on fréquente le Dr Dadou Jean-Bart, on ne peut ne pas être frappé par la flagrance de son caractère non violent, pacifique.
On le connait et l’a toujours connu comme faisant partie de ce qu’il y a de plus beau et de plus enviable dans le journalisme sportif en Haïti et de ce qu’il y a de plus passionnant, de plus engageant et de plus généreux dans l’émergence du football féminin en Haïti dont le 50e anniversaire sera célébré en 2021.
Le football Haïtien, grâce à l’aide de la FIFA, au leadership et à l’esprit de sacrifice de Dadou, a connu un essor considérable. Le centre FIFA Goal et les programmes dont il est porteur constituent irréfutablement les outils les plus efficaces et l’expérience la plus concluante non pas du monde footballistique, mais du monde du sport en général, dans ce pays de la Caraïbe. Un bravo spécial pour la FIFA qui a fait un investissement social des plus louables.
Je suis particulièrement sensible aux abus exercés contre des enfants et surtout contre des filles. C’est ce qui d’ailleurs m’avait motivé quand j’ai conduit en mars 2018 une enquête de l’UJICOPS (cette unité de journalisme d’investigation) sur la situation des 13 fillettes qui avaient été systématiquement violées dans un orphelinat par un pasteur, prédateur sexuel, et sur le drame, en nov. 2017, des fillettes qui ont été amenées à Kaliko beach Hotel par des trafiquants d’enfants pour être exploitées sexuellement. Cliquez sur ces liens pour lire les rapports.
(https://business.facebook.com/josephguylercdelva/posts/1574329502686757?__tn__=K-R)
Et (https://business.facebook.com/pg/josephguylercdelva/posts/?ref=page_internal)
Ce qu’il faut retenir, c’est qu’au-delà de ce qui peut représenter une quête sincère et légitime de vérité sur la réalité des faits reprochés à Dadou, une vaste machination et une véritable entreprise de corruption ont été mises en place aux fins de détruire un adversaire, pour certains, et un ennemi, pour d’autres.
Dadou perdra certainement notre estime s’il est reconnu coupable de pareilles atrocités et d’abominables crimes. Et si tel est le cas, il devra faire face à la rigueur de la loi. Mais en attendant, il demeure un monument, un ambassadeur, un bienfaiteur et un exemple de générosité, de compassion, de compétence, de solidarité, de persévérance et de détermination.
À l’état actuel de la situation, on ne doit ni disculper, ni condamner ni absoudre. Que vive cette justice aveugle qui ne doit connaitre ni de puissants ou de riches ni de faibles ou de misérables!
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Joseph Guyler C. Delva
Président de SOS Journalistes (Organisation de défense des droits des Journalistes)
Journaliste et animateur d’Émission à Radio Caraïbes
Enquêteur en Chef à UJICOPS, une unité de journalisme d’investigation notamment sur la corruption
Ancien Secrétaire-Général de l’Association des Journalistes Haitiens (AJH)
Ancien Correspondant de l’Agence Reuters en Haïti
Ancien Secrétaire d’État à la Communication
Ancien Ministre de la Culture et de la Communication
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