La Digicel, fleuron des télécommunications en Haïti, est aujourd’hui davantage perçue comme un symbole de frustration qu’un modèle de fiabilité. Depuis des années, les plaintes fusent sur les réseaux sociaux, dénonçant des services défaillants, des tarifs exorbitants et une indifférence flagrante envers ses millions de clients. Face à cette situation, l’immobilisme du Conseil National des Télécommunications (CONATEL), organe censé protéger les consommateurs, suscite des interrogations quant à une possible connivence entre l’État et l’entreprise.
Un monopole au service défaillant
Avec sa position quasi-monopolistique, la Digicel contrôle l’accès des Haïtiens aux télécommunications et à l’Internet. Pourtant, cette domination s’accompagne de problèmes récurrents : pannes fréquentes, disparition inexpliquée de crédits, interruptions prolongées des services MonCash, et augmentations tarifaires injustifiées. « En Haïti, ce n’est pas payer pour un service, c’est subir un racket organisé », déplore un utilisateur sur les réseaux sociaux.
Ces défaillances impactent directement l’économie et la vie quotidienne. En septembre 2024, une panne massive a paralysé les services pendant plus d’une semaine, affectant gravement le commerce, l’éducation et les transactions financières. À chaque crise, l’entreprise invoque des « circonstances exceptionnelles » ou des « problèmes techniques », sans jamais proposer de solutions durables ni de compensations adéquates.
L’inaction suspecte du CONATEL
Le rôle du CONATEL dans cette situation est troublant. Chargé de réguler le secteur, cet organe affiche un silence quasi-complice face aux abus de la Digicel. Les quelques interventions de ses dirigeants se limitent à des déclarations vagues, sans suivi concret. Certains médias locaux avancent même l’hypothèse d’une relation étroite entre le CONATEL et l’opérateur téléphonique, où certains responsables profiteraient d’avantages logistiques ou financiers.
Malgré quelques rares appels à l’action, notamment de la part d’autorités publiques exhortant le CONATEL à « jouer son rôle d’arbitre », aucune mesure corrective n’a été prise. Les formulaires de plainte disponibles sur le site de l’institution semblent davantage un alibi qu’un outil de régulation efficace.
Une population otage d’un système défaillant
Dépourvus d’alternatives, les Haïtiens se retrouvent prisonniers d’un système où règnent monopole et impunité. La perspective d’ouverture du marché à de nouveaux opérateurs, qui pourrait introduire la concurrence et améliorer les services, est vue comme une lueur d’espoir. « Seule la concurrence peut briser ce cercle vicieux », affirme un entrepreneur victime des interruptions de service.
Cependant, sans une réforme structurelle du CONATEL et une volonté politique forte, ces aspirations resteront lettre morte. La Digicel, à l’abri de toute régulation stricte, continuera à prospérer sur le dos d’une population déjà écrasée par des crises multiples. Il est urgent que l’État se ressaisisse et assume ses responsabilités envers ses citoyens.