Il y a des messages qui en disent long, non par ce qu’ils dénoncent, mais parce qu’ils dérangent. La publication de Fritz Alphonse Jean sur son compte X, suite aux violences atroces qui ont une nouvelle fois endeuillé Pont-Sondé et Bercy, appartient à cette catégorie. À lire son message ce matin, on dirait un citoyen révolté, témoin impuissant d’un État qui abandonne la population : « San ap koule, lavi ak byen kontinye pèdi douvan yon gouvènman enkapab… » écrit-il, comme s’il ne faisait pas partie, lui-même, de ce même pouvoir qu’il accuse.
L’ironie est brutale. Car voilà un Conseiller-Président du CPT, sanctionné par les autorités américaines pour son appui présumé aux gangs, qui dénonce aujourd’hui la violence… des gangs. Voilà un homme qui, pendant des mois, a soutenu sans réserve son protégé Normil Rameau à la tête de la PNH, alors même que le pays sombrait dans ses heures les plus sanglantes. Voilà un dirigeant qui affirme que « tout mwayen te disponib depi plis pase yon lane », mais dont l’action réelle demeure introuvable, sinon dans les communiqués.
Ce double discours soulève une question fondamentale : comment peut-on dénoncer un drame que l’on a soi-même contribué à rendre possible ? Pont-Sondé et Bercy ne sont pas des accidents isolés ; ils sont les conséquences directes d’un État fragmenté, miné par la complaisance politique, les alliances obscures et l’incapacité structurelle à imposer l’autorité publique.
Le plus dangereux n’est pas l’hypocrisie du message, mais ce qu’il révèle : l’effondrement total de la responsabilité publique. Quand l’indignation devient un outil de communication politique plutôt qu’un moteur d’action, la politique cesse d’être un engagement et devient une mise en scène.
Le peuple haïtien mérite mieux que des tweets consternés. Il mérite la vérité, la cohérence et un leadership qui ne fuit pas ses responsabilités derrière des phrases creuses. Haïti n’a pas besoin d’indignation. Elle a besoin de courage. Et de comptes à rendre.
Mario Jean-Pierre
