Des placements immobiliers de luxe ont été effectués avec de l’argent destiné aux œuvres caritatives de l’Église. Un scandale qui a commencé à Londres et accéléré par le Brexit.
C’est un nouveau scandale financier dont le Vatican se serait bien passé. Au début de l’été, le pape François a été averti qu’un vaste système d’opérations frauduleuses venait d’être découvert au cœur du plus petit État du monde. Une plainte a en effet été déposée par l’Institut pour les Œuvres des Religions (IOR), la banque du Vatican, « concernant des transactions financières effectuées dans le passé », explique alors sommairement un communiqué du Saint-Siège sans que l’on en sache plus.
Cette semaine, l’hebdomadaire « L’Espresso » a révélé l’ampleur de cette affaire sulfureuse. Selon l’enquête du magazine italien, des centaines de millions d’euros auraient été investis grâce à des montages financiers opaques, « comme si le Vatican était une banque d’affaires dans un pays offshore », précise le magazine.
Un investissement en particulier attire l’attention : celui d’un immeuble de haut standing à Londres, en plein quartier chic de Chelsea. L’affaire remonte à 2012. À l’époque, un financier italien, Raffaele Mincione, est mandaté par le Vatican pour investir dans une société pétrolière en Angola. L’affaire finit par capoter et Mincione propose de placer la somme dans l’immobilier londonien via son fonds d’investissement basé au Luxembourg. 182 millions d’euros sont déboursés pour l’acquisition de 17 000 mètres carrés d’appartements de luxe.
Mais ce qui fait désordre est la nature des fonds apportés par le Vatican. Ils auraient pour large partie été ponctionnés dans le denier de Saint-Pierre, qui sert à financer les œuvres caritatives du pape à travers le monde ! L’argent des pauvres dormait dans les caisses du Vatican et servait donc à financer des placements peu cohérents avec la doctrine sociale de l’Église.
Un homme est désormais au centre de l’attention : le cardinal Giovanni Becciu. Homme-clé de la Curie, ce Sarde de 71 ans était jusqu’à l’an dernier le numéro deux de la puissante Secrétairerie d’État du Saint-Siège, et avait la main sur toutes les affaires internes au Vatican. Nonce apostolique en Angola dans les années 2000, c’est lui qui aurait soufflé l’idée d’origine de ces investissements opaques, selon L’Espresso.
Le 1er octobre dernier, une perquisition de la gendarmerie vaticane a lieu dans les locaux de la Secrétairerie d’État. Des documents et du matériel informatique sont saisis. L’affaire prend ensuite des airs de polar : quelques jours après la perquisition des gendarmes circule une affiche montrant les visages de cinq employés du Vatican sous enquête judiciaire. Signée par le commandant de la gendarmerie vaticane, elle a été envoyée à tout le personnel interne de l’État et aux gardes suisses qui contrôlent la sécurité et les accès du Vatican. On se croirait dans un western. Jamais dans l’histoire vaticane, où règne d’ordinaire la discrétion, une telle note de service n’a été publiée. Le document fuite dans L’Espresso. Le pape François lui-même s’émeut qu’on ait pu dévoiler ces noms au grand public et le chef des gendarmes est poussé à la démission.
Parmi les cinq personnes arrêtées, deux retiennent l’attention : Mgr Mauro Carlino, ancien secrétaire personnel du cardinal Becciu et qui dirige le Bureau d’information et de documentation de la secrétairerie d’État, mais surtout Tommaso Di Ruzza, qui n’est autre que le Directeur de l’Autorité d’information financière, une structure mise en place fin 2010 par Benoît XVI et censée justement renforcer la transparence financière!
Le Sage
Source: Le Figaro