Les temps sont très durs ces jours-ci, le pays est aux abords d’une explosion sociale. Et si on y arrive, beaucoup parmi vous et moi périrons. Cela s’avère une évidence pour tout un chacun.
Ce bain de sang que nous nous apprêtons à répandre, sera-t-il juste, résoudra-t-il les problèmes profonds de haine, de vengeance, d’ambition et de trahison qui rongent ce pays depuis sa naissance ?
La réponse est non, et chacun de vous le sait aussi puisque tout problème mal posé ne fait qu’empirer la situation.
Je me peine de voir le pays sous cette allure d’anarchie. Rien n’est sous contrôle. On est plongé dans une débandade démesurée. Et nous en sommes et serons tous victimes à la fin.
Dans le but d’éviter tout quiproquo, je tiens à vous mettre en garde que cette démarche ne vise pas spécifiquement à défendre Jovenel Moïse face à la gestion du pays. Je ne saurais me prévaloir une telle prérogative vu que les faits justifient la mauvaise gouvernance du pays en ce moment.
Ce que je défends, c’est l’honneur de mon pays dans lequel j’ai choisi volontairement de demeurer ; c’est l’histoire de mon pays que je vois se profaner chaque jour ; c’est le rêve que je chéris chaque jour, car même dans les heures si sombres de la nuit, je rêve de me voir marcher un jour dans une Ayiti où je ne serai pas obligé d’esquiver ordures et cadavres…
Je continue de défendre par ces écrits, comme je le fais chaque jour, le droit des plus vulnérables, autant que j’inculque au peuple, partout sur mon passage, les valeurs de la citoyenneté responsable, tout en rappelant aux autorités leurs obligations.
Mais aujourd’hui, c’est comme si tout cela ne voulait plus rien dire, car autant que certains déploient des efforts et sacrifient temps et énergie pour sauver ce pays, à notre grande déception, les choses ne font qu’empirer…
Maintenant, la chose à considérer c’est que si beaucoup d’entre nous veulent sincèrement voir la situation évoluer, d’autres par contre se sentent confortables dans l’état actuel du pays et en tirent de grands profits.
Aujourd’hui, si vous voulez, vous pouvez mettre le pays en feu et en cendre, mais cela ne va rien changer puisque vous n’avez aucun plan de reconstruction.
Rappelons-nous lors de la bataille de l’indépendance en 1803, lorsque Christophe avait incendié la ville du Cap pour ne pas tomber entre les mains des français, ce fut un plan stratégique bien défini et rappelons-nous qu’après et aujourd’hui encore c’est aussi Christophe le Roi bâtisseur qui nous a gratifiés de la Citadelle Henry. Voilà un visionnaire !
Mais face à la crise actuelle, sommes-nous menés par des visionnaires ou des manipulateurs ? Quelle est l’alternative commune que nous avons tous choisie ?
Une bataille menée avec une armée dont chaque soldat défend sa propre cause et ses propres intérêts différents l’un de l’autre ne saurait mener à la victoire… Et même si on gagnerait, la discorde ne tarderait pas à s’y installer comme nous l’avons si bien justifié le 17 octobre 1806 avec l’assassinat de Jean Jacques Dessalines. « Les mêmes causes produisent les mêmes effets dans les mêmes circonstances ».
Mon inquiétude ce n’est pas Jovenel Moïse, mais plutôt Ayiti mon pays. Jovenel est là pour 5 ans, Ayiti est éternel. Brûler, casser, briser, démolir le pays ne résoudra en rien les problèmes profonds qui le rongent, pas moins que cela ne l’a pas résolu depuis la naissance du pays en 1804.
Lanza Del Paso a dit : « Toute révolution qui n’est pas accomplie dans les mœurs échoue », et nous sommes à nouveau sur le plan d’échouer parce que nous n’avons pas commencé par le commencement.
Un sage a dit : « Une révolution a besoin de temps pour s’installer ». Or pour nous autres Ayitiens, la patience est une vertu qui nous fait défaut.
Ce sont nos choix émotionnels et intempestifs qui nous ont conduits là où nous sommes. Pourtant jusque-là, nous n’en avons pas encore pris conscience. Nous choisissons et nous bannissons comme bon nous semble sans aucun plan qui ne dépasse même pas le bout du nez. Nous conspirons contre nous-mêmes depuis plus de 200 ans et nous cherchons toute sorte de personnes à incomber la faute.
Nous faisons la politique comme des enfants de 5 ans qui badinent dans leur merde et jusqu’à présent nous n’en avons pas pris conscience.
Nous sommes sur le point de lancer une guerre de laquelle aucun des antagonistes ne sortira vainqueur. Et si nous parvenons à la phase ultime où nous aurons perdu notre prérogative d’auto-détermination, il en reviendra à la communauté internationale encore une fois de décider de notre sort. Alors si c’est ce que vous voulez, allez-y, continuez dans le sens que vous avez emprunté, car nous sommes tout près du but.
Je ne vois guère de la sincérité dans les prétendues démarches révolutionnaires qui naissent comme de l’herbe dans ce pays, par contre j’y vois plutôt un signe avant-coureur pour les générations à venir, si vraiment nous tenons à changer ce pays.
Stevens Grégor Gabriel, dit L’Archange