À huit jours depuis que le peuple haïtien a gagné les rues, le Président de la République ainsi que le Premier ministre n’ont toujours pas fait de déclaration. Langue de bois des deux côtés alors que la fureur populaire continue à tout ravager sur son passage.
Aujourd’hui, la catastrophe n’est pas naturelle. Elle est politique. Elle est sociale. Elle est économique. Ce n’est ni l’eau, ni le vent qui ravage, mais un peuple au désarroi. Si la nature sait naturellement quand arrêter ses catastrophes, nos dirigeants ne semblent pas détenir la baguette appropriée pour arrêter cette frénésie populaire. À moins que leur objectif c’était justement de nous ramener là. À ce carrefour difficile. À ce point de non-retour.
Mais par-dessus tout, ont-ils le droit de se taire, quand c’est à eux – à ce niveau des commandes de la vie publique – qu’il incombe le devoir d’agir ? Certainement pas.
Un silence de deux, de trois ou de quatre jour. Peut-être. Mais pas de jusqu’à huit jours sans aucune déclaration officielle des plus hautes autorités de l’Etat. On n’est déjà pas loin d’une crise humanitaire.
Mais jusque-là, pendant huit jours, ni le Président, ni le Premier ministre à ce carrefour pourtant difficile n’a adressé de messages à la nation. Seuls les policiers, qui sont d’ailleurs d’une remarquable infériorité proportionnelle par rapport aux manifestants, tentent impuissamment de faire régner l’ordre. Quel ordre pourtant ! quand déjà des bandits de grands chemins, des violeurs, des assassins lourdement armés, recherchés par la police circulent dans les rues de la capitale.
Ce que réclame la population dans son for intérieur ce n’est pas uniquement la démission du Président Jovenel Moise. Ses revendications sont de loin plus profondes car elle réclame de mettre un terme à un système politico-économique qui s’est révélé incapable de répondre au bien-être collectif.
Cette dynamique collective qui se dégage n’est pas contraire aux intérêts profonds – je suppose – du Président de la République qui n’est, lui aussi, qu’une énième victime de ce système pourri que nous voulons tous démettre, mais qu’à chaque fois qu’arrive le moment ultime, nous hésitons toujours.
Il faut tout simplement que nous arrivions à comprendre qu’il faut recamper nos institutions, l’Etat dans son ensemble, pour ériger un nouveau système appuyé sur des valeurs et des idéaux capables de nous conduire vers le progrès.
Si au plus haut niveau de l’Etat, face à la détresse du peuple, les autorités se taisent, c’est le moment ultime à la génération montante, aux figures crédibles lesquelles se sont déjà prouvées par leurs actions et leurs engagements, de tracer une voie et de s’adresser à la nation.
Roudy Stanley PENN
Politologue