Depuis tantôt une décennie, la barque d’Haïti vogue sur des eaux tumultueuses et sous un temps tempétueux. On y affronte la crise économique, avec montée vertigineuse du dollar américain, les catastrophes naturelles, un climat politique délétère qui a aggravé l’insécurité, un phénomène de kidnapping jamais connu auparavant et qui n’épargne personne et à cela s’ajoute le dernier ajustement du prix du carburant qui explose les coûts des produits sur le marché.
À moins qu’elles en soient des artisanes ou des bénéficiaires, toutes les personnes et toutes les entreprises privées ou publiques qui se trouvent actuellement à bord sont directement affectées par cette dramatique situation. La compagnie de téléphonie mobile Digicel n’est pas en reste.
En effet, Digicel fait la une des réseaux sociaux et reçoit un déluge de critiques aussi fallacieuses que destructives depuis dimanche dernier. Pourquoi subitement parle-t-on de la minute de la compagnie qui se vend à 16.5 gourdes alors qu’en réalité les différents plans offrent la minute à 1.3 gourde au plus accompagné de la possibilité de naviguer sur internet ? Pourquoi diable veut-on transformer le pays en enfer aujourd’hui en poussant même par des moyens mensongers les entreprises à claquer leurs portes ? Car si Digicel n’est pas l’unique compagnie affectée par les entraves sociaux économiques du pays qui a dû prendre des mesures nécessaires pour continuer à rester viable, elle est l’unique entreprise qui continue à faire tout son possible pour prioriser les besoins de sa clientèle. En fait, Digicel détient la meilleure offre sur le marché en termes de coût des appels.
Qui, en ce moment, qu’il soit lettré ou pas, ne sait faire un plan dans la mesure de sa possibilité pour communiquer avec ses proches ? « Analphabète pa bèt », dit le vieil adage créole. « Les plans, il y en a pour toutes les bourses. Le client a le choix d’activer un plan journalier de 9 gourdes, un plan hebdomadaire ou un plan mensuel selon ses besoins. 96 % de nos clients utilisent un plan pour communiquer. Les 4 % restants qui placent des appels à partir de la balance principale sont des étrangers ou des gens aisés. », rectifie Jean Philippe Brun, le DG de la Digicel.
D’où vient alors cette campagne diffamatoire ? En 2006, la minute coûtait 5 gourdes tandis qu’aujourd’hui, le client paie 1.3 gourde avec un plan. Alors à quoi bon de regarder le verre à moitié plein ? Avec la détérioration de la gourde par rapport au dollar, les prix des produits de première nécessité ont grimpé de 300 jusqu’à 400 % en moins de dix ans. Par exemple, le riz qui se vendait 35 gourdes la marmite est passé à 100 gourdes. Pourquoi donc s’étonner si le tarif des produits et services de la compagnie rouge et blanc est révisé à la hausse. N’est-elle pas aussi touchée par cette insécurité chronique incluant la guerre des gangs, le kidnapping, le barrage des routes qui se font quasi-quotidiennement ? N’est-elle pas également concernée par la chute incontrôlable de la gourde face au dollar ? Que dire de cette dernière augmentation brutale mais obligée des prix des produits pétroliers.
De l’avis de certains clients de la compagnie, les prix augmentent tandis que la qualité de service diminue, déplorent-ils. Une juste critique. Mais l’argument avancé par son Directeur général Jean Philippe Brun pour se défendre n’est certes pas satisfaisant mais compréhensible. Car, selon ses dires, le climat de l’insécurité a sévèrement impacté sur la qualité de service. Leurs techniciens ne peuvent plus accéder aux sites 24/24. C’est au péril de leur vie qu’ils traversent des tronçons de routes pour assurer le service au prix fort. En ce qui a trait à la hausse des différents plans, le patron de la Digicel a expliqué que cette décision est due par rapport aux différents défis liés à la conjoncture auxquels la Digicel fait face.
La compagnie Digicel est aussi à bord du bateau bouleversé arborant le pavillon bleu et rouge. Malheureusement son concours national de chant Digicel Stars, qui a enchanté toute une génération, est tombé dans l’eau dans un moment où on en a le plus besoin de lui pour contribuer à calmer ce climat de tension et elle n’est pas l’unique compagnie en Haïti qui est concernée.
Marie-Françoise Auguste