Alors que les violences s’amplifient dans le pays depuis le 7 février 2019, le Premier ministre, Chef du Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) se tait. Face à cette situation sensible dans laquelle se noie la République d’Haiti en ce moment, le mutisme du Premier ministre porte à équivoque et suscite des analyses.
Au regard de la loi du 29 novembre 1994, le Conseil Supérieur de la Police Nationale (CSPN) est l’organe compétent pour définir la politique et les stratégies nationales en tout ce qui concerne les missions de la Police Nationale d’Haïti. Mais pourquoi en ces circonstances si alarmantes, le Premier ministre qui préside le CSPN, garde-t-il son silence comme si tout allait pour le mieux ? Pourtant on assiste au quotidien à une augmentation de la violence dans le pays, et on n’a pas besoin de lunettes pour constater que la situation dépasse de loin la Police Nationale d’Haïti.
Là où le paradoxe s’installe c’est que lors de la publication du rapport préliminaire de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, le 31 janvier dernier, le Premier ministre avait voulu anticiper sur ses fonctions avec une telle fougue, or le voici maintenant face à sa plus entière responsabilité en matière de sécurité nationale, pourtant il se complaît dans son mutisme.
Mais, du jour au lendemain, où est passé la fougue du Premier ministre ? Pourquoi une telle attitude de recul au moment où le pays a le plus besoin de ses autorités ? Est-ce de la ruse ou une stratégie bien montée qui se joue dans le dos de Jovenel Moïse ?
Pour mieux comprendre les enjeux de ce jeu dangereux, faisons un coup d’œil sur une probabilité à laquelle beaucoup ne s’attendent pas, mais pourtant qui est de l’ordre des choses possibles. Avant tout, pour mieux asseoir cette réflexion, posons cette question : « Au regard de la Constitution haïtienne en vigueur, si Jovenel Moïse aurait été destitué, qui devrait le remplacer ? »
La réponse est Jean-Henry Céant et non le Président de la Cour de Cassation comme beaucoup le disent.
Pour appuyer cette assertion, faisons parler la loi. Au regard de l’article 148 de la Constitution de 1987 amendée le 9 mai 2011, on lit « Si le Président se trouve dans l’impossibilité temporaire d’exercer ses fonctions, le Conseil des Ministres sous la présidence du Premier Ministre, exerce le Pouvoir Exécutif tant que dure l’empêchement. »
Ensuite l’article 149 stipule : « En cas de vacance de la Présidence de la République soit par démission, destitution ou en cas d’incapacité physique ou mentale permanente dûment constatée, le Conseil des Ministres, sous la présidence du Premier Ministre exerce le Pouvoir Exécutif jusqu’à l’élection d’un autre Président. Dans ce cas, le scrutin pour l’élection du nouveau Président de la République pour le temps qui reste à courir a lieu soixante (60) jours au moins et cent vingt (120) jours au plus après l’ouverture de la vacance, conformément à la Constitution et à la loi électorale. »
Au 2ème alinéa de l’article 149, on lit : « Dans le cas où la vacance se produit à partir de la quatrième année du mandat présidentiel, l’Assemblée Nationale se réunit d’office dans les soixante (60) jours qui suivent la vacance pour élire un nouveau Président Provisoire de la République pour le temps qui reste à courir. »
Il est aussi à considérer que beaucoup de personnes, mêmes dans les médias plongent la population dans cette confusion avec l’ancienne transcription de l’article 149 qui stipulait : « En cas de vacance de la Présidence de la République pour quelque cause que ce soit, le Président de la Cour de Cassation de la République ou, à son défaut, le Vice-Président de cette Cour ou à défaut de celui-ci, le juge le plus ancien et ainsi de suite par ordre d’ancienneté, est investi provisoirement de la fonction de Président de la République par l’Assemblée Nationale dûment convoquée par le Premier Ministre. Le scrutin pour l’élection du nouveau Président pour un nouveau mandat de cinq (5) ans a lieu quarante cinq (45) jours au moins et quatre-vingt-dix (90) jours au plus après l’ouverture de la vacance, conformément à la Constitution et à la Loi électorale. »
Le précédent article a été abrogé et n’est plus en vigueur.
Alors en considérant les prescrits de la Constitution en vigueur, on peut sans passer par 4 chemins constater que la destitution ou la démission de Jovenel Moïse sera totalement favorable à Jean-Henry Céant, donc quel intérêt aurait-il à contribuer à faire cesser les manifestations ? Ce qui expliquerait en partie le silence du CSPN sur le climat d’insécurité qui prend de l’ampleur dans le pays.
Paraît-il qu’à tous les niveaux, Jovenel Moïse est le dindon de la farce ! Il est totalement manipulé et a perdu tout contrôle de la situation.
Toutes ces considérations consistent à prévenir la population que le meneur de jeu à surveiller en ce moment est bel et bien Jean-Henry Céant. Peut-être le Premier ministre s’est-il dit que c’est le moment de rattraper ce qu’il avait raté lors des deux précédentes élections présidentielles et de se venger de l’impertinence de Jovenel Moïse qui jouait à la vedette lors de l’ouverture officielle du Forum national autour du Pacte de Gouvernabilité le 22 janvier dernier.
L’Archange