C’est un événement mémorable avec une cicatrice éternelle. Cette date est un coup de poignard pour beaucoup et du miel sur la langue pour d’autres. Que l’on veuille ou pas, chaque haïtien, sans vouloir inclure des étrangers, aura quand même des souvenirs à chaque fois que l’on fait mention de cette date. C’est triste d’en parler, mais je ne pouvais pas prendre le risque de n’en rien dire.
Un 12 janvier bien triste, après une fête de fin d’année bien gaie… Personne n’aurait imaginé, personne n’aurait cru que des amis, avec qui l’on déjeunait, l’on vient de souper, l’on vient d’échanger seraient séparés de nous avec tant de fracas.
L’heure avait sonné pour que des haïtiens fussent paralysés et handicapés par milliers; pour que des milliers d’enfants fussent devenus orphelins; pour que des hommes riches deviennent pauvres en un clin d’œil; pour que des milliers de femmes fussent devenues veuves et des milliers d’hommes, veufs; pour que des milliers d’employés fussent devenus chômeurs; pour que des milliers de gens eussent perdu leur bon sens et fussent devenus des malades mentaux…!
L’heure avait sonné pour que le pays fusse recouvert de pleurs; pour que les rues fussent devenues des chambres à coucher; pour qu’il y eusse tous ces chrétiens tout d’un coup; pour que le nom de Jésus fût autant cité en Haïti ce jour là. L’heure avait sonné pour qu’une multitude de choses étranges eussent fait leur apparition aux haïtiens.
12 janvier 2010, à 16 heures 53 minutes et 10 secondes environs, Haïti a été détruite par un tremblement de terre de magnitude 7,0 à 7,3 qui durait environs 30 secondes. Haïti a été baignée dans un océan de sang. Hélas, un peuple qui ne connaissait pas vraiment ce que c’est un tremblement de terre, voire comment se comporter face à une telle catastrophe… Dès les premières secousses, sans hésiter, ils ont crié à haute voix « Jésus ». Le même moment, beaucoup se sont mis à confesser leurs péchés. D’autres se sont évanouis tout d’un coup !
À chaque secousse, la majorité de ceux qui étaient en vie n’ont fixé qu’un seul endroit, le ciel. Beaucoup d’entre eux avaient cru que c’était le retour du fils de Dieu mentionné par dans prophéties bibliques. D’autres avaient pensé autrement, suivant leurs croyances et leurs connaissances et suivant les endroits où ils se trouvaient durant le séisme, car certains pensaient que c’était la manifestation des loas.
Le moment le plus répugnant était venu pour ceux qui ne pouvaient regarder les blessures et le sang… En absence des milliers de gens qui ont rendu l’âme, des milliers d’autres se trouvaient sous des décombres. C’est extrêmement dur de voir une personne baignée dans son sang, déformée en venant de perdre une partie de son crâne. C’est dur de regarder une personne qui marche avec ses intestins hors de son ventre. C’est répugnant d’observer qu’un bloc a fendu en deux la tête d’une personne qui essayait de s’échapper. Oh! Quelle tragédie de constater des gens qui sont en vie sous des décombres et qui crient indistinctement : « Je suis vivant, sauve-moi s’il te plait! »… D’autres n’auraient pas dû mourir s’ils ne s’étaient pas retournés pour sauver une autre personne ou pour prendre quelque chose. Hum! Le regret et le remord sont suffisants pour tuer des milliers de survivants.
On est ému face aux gens qui disent qu’ils sont affamés et assoiffés alors qu’on a rien pour les aider… Le souvenir de la façon dont on jette les morts dans une fosse commune est éternel. Deux jours après, personne ne pouvait respirer! Après avoir perdu leurs proches, leur véritable problème, en absence de la peur provoquée par chaque secousse, c’était la faim, la soif, le manque ou l’absence de soins médicaux…
Entre-temps, tout le monde s’est mis à crier « Jésus » à chaque secousse et pour créer de l’espoir, les gens se sont mis à jeuner silencieusement ou à haute voix. Ils ont chanté, ils ont fredonné, ils ont prié et ils ont laissé partir des soupirs.
Pourtant, d’un autre coté, un tremblement de terre pareil serait une victoire pour beaucoup, car même s’ils perdent des proches ou pas, ils s’en ficheront car leurs intérêts consistent à renflouer leurs comptes, oui, à remplir leurs poches. Car même si le séisme a causé pas mal de handicaps physiques et psychiques, c’est le contraire pour d’autres. Beaucoup sont devenus riches, ils possèdent des fortunes grâce au séisme du 12 janvier 2010. Ce n’est pas sans raison que je le répète: « Tout est bon. » Le bon ou le bien tout comme le mauvais ou le mal ne sont que des concepts pour désigner ce qui est ou qui n’est pas à notre goût. À ce sujet, mon texte titré « Le Losange » vous est suggéré.
À cet événement, chacun a un témoignage ! Quant à moi, je venais de l’école très fatigué, car après les cours, nous avions joué au championnat de foot inter-classe. Arrivé à la maison, j’ai trouvé seulement ma soeur qui avait finit à peine de cuisiner… Après ma douche, j’ai savouré le mets. Fini, j’ai pris mon sac-à-dos et je me suis assis pour étudier. C’est à peine que j’ai ouvert un livre que le séisme commença. Malheureusement, moi qui ne connaissais pas ce que c’était, ni comment me comporter face à un tremblement de terre… Mon seul réflexe, c’était de courir. Ce fut en courant, que j’ai été renversé par les secousses. Alors que j’allais me mettre debout pour continuer ma course dans l’idée de me sauver, j’ai vu le mur de la clôture venir me rencontrer. Il m’a aplati en tombant sur mon dos. Heureusement qu’il y avait une grosse roche tout prêt de ma tête, qui m’a sauvé la vie.
Tout le séisme a surpris ma soeur à l’intérieur de la maison, heureusement qui n’a subi que des fissures. Étant encore sous des décombres, après quelques temps, jai entendu ma soeur m’appeler en criant et en pleurant. À chaque fois qu’elle m’a appelé, on dirait que j’avais commencé à me reprendre. Et finalement, j’ai réalisé que j’étais sous des décombres, et à son appel, j’ai répondu. Elle pleurait en signe de désespoir, car elle ne pouvait rien faire pour m’en faire sortir. Puisque mon heure de partir n’avait pas encore sonné, j’ai été rempli de tacts et je me suis sorti tout seul sous ce mur qui a failli faire ma peau. Mais je ne pouvais ni marcher ni uriner aisément. Avec des blessures partout sur mon corps, du sang qui coulait à pleins bords et je n’ai pas pu trouver des soins…
Pour moi, la vraie cause de ce dévastateur et désastreux séisme reste discutable. Mais quoi qu’il en soit, c’était un tremblement de terre ! Un séisme qui est plein de tragédie et de comédie. Dans mon voisinage, il y avait un houngan qui aurait voulu prendre sa bible lors des premières secousses. Il l’aurait beaucoup recherché en se précipitant, mais a enfin trouvé une grammaire, et il a lu la conjugaison de quelques verbes à la place des psaumes, suivant les témoignages de ses enfants…
Alors que ces scènes se déroulaient, l’aéroport international haïtien était déjà occupé par des soldats américains. Les pays voulant apporter de l’aide au peuple haïtien devaient trouver le feu vert des États-Unis. Certains pays étaient même obligés de passer par la République voisine, pour apporter leur support au peuple haïtien. Semble-t-il que tout aurait été bien planifié à l’avance suivant beaucoup. Les dirigeants haïtiens étaient là mais ne serait-ce qu’en apparence…
L’heure a été venue pour que des ONG connussent Haïti massivement. Enfin, Haïti est sucée une fois de plus! Beaucoup ont profité de l’occasion pour critiquer le peuple haïtien et pour le filmer en montrant comment il se bat pour la nourriture. Jour après jour, certaines églises ont fini par percer le plafond et ont commencé à sucer le peuple visiblement, car ce séisme a augmenté le nombre de chrétiens massivement. Une église de 20 personnes aurait déjà compté 200 membres au lendemain du 12 janvier et une église de 200 fidèles en aurait déjà 2.000. C’est là que je répète pour une énième fois que « Tout est bon ».
12 janvier 2010, peut être synonyme de tristesse, tout comme de joie, dépendamment de la façon dont le séisme vous a frappé.
Ce qui demeure une certitude et une évidence, le 12 janvier 2010, restera une date noire dans l’histoire d’Haïti.
Sully Jévelt