D’entrée de jeu, il est essentiel de clarifier que les sanctions imposées par les Nations Unies ne sont pas celles décidées unilatéralement par des États comme les États-Unis, le Canada, le Royaume-Uni ou encore la République Dominicaine. Si les objectifs peuvent se ressembler — lutte contre l’impunité, démantèlement des réseaux criminels et financiers — la procédure et la légitimité internationale diffèrent fondamentalement. Les sanctions onusiennes, issues de résolutions du Conseil de sécurité, reposent sur des rapports publics, rigoureux et indépendants, alors que les mesures unilatérales d’États souverains peuvent être motivées par des intérêts stratégiques et ne sont pas toujours accompagnées de preuves accessibles.
C’est dans ce contexte que le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Me Patrick Pélissier, a décidé de franchir une étape importante. Dans une correspondance adressée le lundi 12 mai 2025 au Commissaire du Gouvernement près le Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince, Frantz Monclair, le ministre a donné des instructions claires pour l’exécution de mesures conservatoires contre les citoyens haïtiens sanctionnés par les Nations Unies.
Ces mesures visent plusieurs individus identifiés comme acteurs majeurs de la déstabilisation du pays, à travers des actes criminels systématiques, notamment :
Jimmy Chérizier, alias “Barbecue”, ex-policier devenu chef de gang à la tête de la coalition criminelle “Famille G9 et alliés”, sanctionné en octobre 2022 pour atteinte à la paix et à la sécurité nationale.
Johnson André, alias “Izo”, dirigeant de la bande “5 Segond” active à Port-au-Prince.
Renel Destina, alias “Ti Lapli”, chef du gang “Grand Ravine”, impliqué dans des exactions violentes.
Wilson Joseph, alias “Lanmo San Jou”, dirigeant du tristement célèbre “400 Mawozo”.
Vitel’Homme Innocent, chef du gang “Kraze Barye”, impliqué dans le trafic d’armes et d’enlèvements.
Victor Prophane, ancien parlementaire, accusé d’usage de la violence à des fins politiques.
Luckson Elan, à la tête du gang “Gran Grif”, actif dans l’Artibonite.
Selon un rapport récent du Conseil de sécurité des Nations Unies, ces individus jouent un rôle actif dans les tentatives de sabotage de la transition politique, en multipliant les attaques contre les infrastructures publiques, en particulier dans les départements de l’Ouest et de l’Artibonite. Le climat d’insécurité qu’ils entretiennent compromet sérieusement la tenue d’élections libres.
Pour faire face à cette menace, le ministre Pélissier a prescrit deux grandes mesures :
- Le gel immédiat des comptes bancaires des personnes sanctionnées ainsi que de leurs complices potentiels,
- Le déclenchement d’enquêtes financières menées par les organes spécialisés de contrôle, conformément à la résolution 2653 du Conseil de sécurité de l’ONU et au décret haïtien du 30 avril 2023 sur le blanchiment, le financement du terrorisme et la prolifération des armes de destruction massive.
Malgré cela, certaines figures comme Jimmy Chérizier continuent de , menacer librement sur les réseaux sociaux , ce qui interroge sur la volonté réelle des autorités d’appliquer les résolutions internationales avec rigueur et constance.
Pourtant, ces mesures conservatoires représentent une avancée importante, à condition qu’elles soient suivies d’effets concrets. C’est aussi un test pour l’État haïtien, souvent accusé de passivité face à l’ancrage profond de l’insécurité. L’alignement sur les résolutions de l’ONU peut redorer l’image du pays à l’international et amorcer un nouveau chapitre dans la lutte contre l’impunité.
Me Harry D. Pauléus