À l’échiquier international, tous les États ont pour premier devoir de défendre leurs intérêts immédiats. Ainsi chaque État a pour obligation de définir des stratégies qui lui permettront de tirer le maximum de profits tout en assurant la sauvegarde de sa souveraineté et son indépendence par rapport à ses pairs.
Pourquoi un tel revirement d’histoire dans le vote d’Haïti à l’OEA contre la République Bolivarienne en date du 10 janvier 2019 ? Est-ce qu’on peut dans ce cas parler de réalisme politique du Gouvernement haïtien, quand on sait que ce même Gouverment avait salué la réélection du président Maduro les mois précédents ?
La République d’Haïti sait très bien qu’elle doit éviter de s’immiscer dans les affaires qui font appel à la compétence des institutions républicaines d’un autre pays. D’ailleurs, ce vœu a été énoncé clairement dans l’adresse à la nation qui s’était tenue par Jean Jacques Dessalines en 1804 : « N’allons pas, boute-feux révolutionnaire, nous érigeant en législateurs des Antilles, faire consister notre gloire à troubler le repos des iles qui nous avoisinent« .
De surcroît, la diplomatie haïtienne n’a jamais eu l’habitude d’interférer dans les affaires internes d’autrui, mais aussi, la diplomatie haïtienne a toujours été un outil de défense des États délaissés, déprimés et piétinés par les grandes puissances.
En réalité, pour qu’on puisse saisir à sa juste valeur le vote d’Haïti contre le vénézuela, il faut mesurer la fragilité, la fébrilité et l’impopularité du pouvoir en place. Le Président Jovenel Moïse, se trouvant déjà dans une situation précaire sur le plan interne, n’a aucun intérêt à mettre de l’huile sur le feu. À ce propos, comme Nicolas Machiacel le soutient : « Ceux qui désirent acquérir la faveur d’un prince ont coutume le plus souvent de venir à lui avec les choses qu’ils ont de plus cher ou donc ils voient qu’il se délecte davantage« .
Ainsi, le Président Jovenel Moïse a choisi de maintenir et de consolider son pouvoir malencontreusement au détriment de l’histoire. Il a mis en oeuvre la politique de « tous les moyens sont bons » de Machiavel pour conserver le pouvoir.
Pourtant, avait-il d’autres moyens quand on sait qu’il avait fallu l’intervention de la communauté internationale, notamment des États-Unis d’Amérique, au mois de novembre 2018 pour lui redonner l’espoir et rafermir son autorité.
Ce qui ressort de cette réaction d’Haïti par rapport au Venezuela, c’est qu’elle est dans l’intérêt du Président Jovenel Moïse et également cela pourrait être dans l’intérêt de ceux et celles qui bénéficient le programme TPS. Mais en contre-partie le programme pétrocaribe n’était-il pas non plus une source d’espoir pour notre essor économique ?
De toute évidence, après avoir perdu son autonomie économique, Haïti a demontré à travers ce vote qu’elle a perdu également l’autonomie de sa politique étrangère. Voilà pourquoi il y a tant d’incohérence dans sa ligne diplomatique actuelle.
En concluant, on peut dire que ce vote laissera des circatrices pour une période indéterminée dans les annales de l’histoire diplomatique entre Haïti et le Venezuela.
Ce qu’on peut retenir à l’instar de Hans Morgenthau : » Les principes de prudence et de modération, sont les seules réponses possibles dans la contraction entre la morale et la politique. »
Christopher Pierre