Haïti, le 3 avril 2019
SEM Jean-Bertrand Aristide
Ancien Président de la République d’Haïti
Monsieur l’Ancien Président,
Nous avons pris le temps et le soin de lire et de décortiquer le discours que vous avez prononcé le 31 mars 2019, lors de la cérémonie de graduation à l’Université de la Fondation Aristide (UNIFA) et nous sommes parvenus à l’évidence du proverbe haïtien que nous répétons si souvent : « Bòs vann zouti, men li pa bliye metyel ! »
Ô combien le discours est atteint de perfection, de prédilection, de belles expressions, d’éloquence, ainsi que de différentes manifestations de langues !
Comme vous aimez impressionner avec de belles phrases, autant que Monsieur renard le faisait pour extirper le fromage du bec de monsieur corbeau !
Monsieur le Président de l’UNIFA, nous avons tous apprécié le charisme de votre discours, néanmoins, certains d’entre nous sommes aussi outrés par le politicien qui se cache sous la capote pour prôner à nouveau ce refrain de violence dont nous connaissons déjà la résonance. Les couplets ont certainement changé, mais le chœur demeure intact !
Par contre, quand le serpent crache son venin, nous sommes tous exposés à son effet mortel.
Il est vrai que tous les moyens sont bons pour se sortir de son gouffre et se faire remarquer sur la piste… Et vos acrobaties pour aborder le dossier PetroCaribe lors de la prononciation de votre discours ne sont pas passées inaperçues.
Si 30 ans de cela l’ignorance de la masse populaire a été le point fort de votre manipulation, aujourd’hui le temps est révolu, car de ces 12 millions de victimes que vous avez évoquées, il existe une grande majorité qui a aussi été victime de vous et qui continue de subir le poids de vos erreurs du passé.
« Ex nihilo nihil » (Rien ne naît de rien). Rappelez-vous Monsieur l’ancien Président que PetroCaribe est un fils que vous avez vous-même engendré de votre femme préférée « Corruption ». Ce n’est que la dernière goutte qui fait déborder le vase qui a déjà été assez bien rempli sous votre gouvernance.
Quant à nous, 12 millions de victimes du crime « Petro Caribe » comme vous l’avez insinué, et de tant d’autres atrocités restées dans l’ombre, nous estimons que vous êtes très mal placé pour nous faire cette leçon de morale, car : « Charité bien ordonnée commence par soi même ».
Nous savons tous, Monsieur l’ancien Président, que la corruption n’a pas pris naissance hier en Haïti. Qu’avez-vous fait en 10 ans pour l’endiguer ? Pourquoi voulez-vous aujourd’hui ajouter beaucoup plus de confusion à ce dossier déjà si politisé et galvaudé ? Pourquoi voulez-vous à nouveau réiterer vos messages de haine et de vengeance voilés derrière vos discours liturgiques ?
Rappelez-vous de cette citation de Cicéron que vous avez vous-même exclamée le 18 mars 2018 lors de la collation de diplômes à l’UNIFA : « Non impedire malum, favet ». Qui n’empêche pas le mal le favorise.
Il est vrai que nous sommes assoiffés de justice, mais nous rejettons tout soutien provenant de profiteurs qui s’empiffrent de corruption en essayant de voiler son péché pour lapider l’autre.
Par là, nous voulons vous faire comprendre qu’il n’y a pas seulement le PetroCaribe qui doit être pris en compte, mais très bientôt ce sera aussi : « Kot Kòb koperativ 12% yo ? » / « Kot Kòb TELECO yo ? »
Ainsi justice sera faite !
Si votre mémoire ne vous fait pas défaut Monsieur l’ancien Président, laissez nous vous rappeler que l’amplification de l’insécurité que nous subissons actuellement dans le pays est le résultat de votre gouvernance « ratpakakatisé ».
Vous rappelez-vous Monsieur l’ancien Président de ce discours et de ses conséquences ?
« Pa neglije ba yo sa yo merite !
Zouti nou nan men nou, enstriman nou nan men nou. Toupatou nan kat kwen peyi a, n’ap veye anwo, n’ap veye anba. Ala yon bèl zouti ! Ala yon bèl enstriman ! Ala yon bèl aparèy !
Li bèl, li chèlbè, li bwòdè, li bòzò, li santi bon. Tout kotew pase w anvi respirel… »
Vous rappelez-vous Monsieur l’ancien Président, combien de compatriotes ont perdu la vie à cause de ce discours criminel ?
En passant Monsieur l’ancien Président, où sont passés la jeune militante Mireille Durocher Bertin, le père Antoine Isemery, les journalistes Jean Léopold Dominique, Brinyol Lindor, Jacques Roche, l’étudiant Éric Pierre, l’humoriste François Latour ? Pour ne citer que ceux-là, car la liste des victimes est tellement longue…
En évoquant La Saline, vous avez tentez de tromper notre vigilance en vous cachant derrière votre discours pathétique. Mais en 2001, Monsieur l’ancien Président, La Saline n’était pas si différente de ce qu’elle est aujourd’hui, or vous étiez au pouvoir.
De surcroît, semblerait-il que vous auriez déjà oublié le massacre de Raboteau du 22 avril 1994 ? Rappelez-vous combien ont péri à cause de vous parce qu’ils voyaient en vous un espoir, un miracle, une délivrance, un sauveur !
Mais qu’avez-vous fait de leur espoir, de leur martyr, de leur rêve ?
Qu’avez vous offert à la génération de ceux qui ont lutté pour la démocratie en 1986 et à leurs fils et filles.
Voulez-vous nous faire comprendre que vous êtes innocent par rapport à la situation actuelle de notre pays ? Ou encore que vous êtes le plus noble et le plus intègre de cette colonie de rapaces qui dévorent les richesses de notre mère Patrie ?
Comment pouvez-vous oser dicter aux autres, le concept que vous ne parveniez pas à écrire vous-même : JUSTICE
Toutes ces victimes que nous avons énumérées n’ont été que les proies d’un pouvoir chimérique établi derrière un masque de sacro sainteté.
Tant de dignes fils et filles de la Patrie ont succombé pour asseoir un pouvoir que la Nature et la Force des choses vous ont toujours refusé, mais paraît-il que la leçon n’est pas encore apprise !
Oui, tant de compatriotes ont été sacrifiés par vous et à cause de vous, mais jamais ne sera détruit le rêve d’une Haïti libre, forte et prospère que nous ont légué nos aïeux.
Monsieur l’ancien Président de la République d’Haïti, « L’histoire est têtue, les faits sont là », dixit Paul Kagame, le Président du Rwanda et un model que vous auriez du suivre.
Son Excellence, ne nous jugez pas impertinents sur ces propos, mais nous avons mare de vos manipulations, nous sommes fatigués de la haine et de la vengeance que vous alimentez dans ce pays depuis 30 ans. Nous pensons qu’en ce moment, votre silence fera plus de bien et moins de tort, tant à la Nation qu’à la Jeunesse haïtienne qui paient encore le Karma que vous leur avez laissé comme héritage.
Croyez nous Monsieur l’ancien Président, beaucoup d’haïtiens savent et croient du plus profond de leur cœur en ce que nous osons vous affirmer, mais peu ont le courage de vous le dire.
Espérant que notre message parviendra à vous inonder dans « l’Haïti-Conscience », nous resterons connectés 24 sur 24 dans le courant du dialogue et de la réconciliation nationale.
12 millions de victimes assoiffés de justice