Moins de quarante-huit heures du passage de bâton de la présidence tournante du Conseil présidentiel de transition, l’heure est au bilan. Laurent Saint-Cyr doit succéder à Fritz Alphonse Jean, conformément aux accords initiaux. Ce dernier, personnage controversé, laisse derrière lui un héritage lourd de tensions et d’échecs. Retour sur les sept fautes majeures qui ont marqué son mandat.
1. Une gouvernance autoritaire et solitaire
Fritz Jean a affiché un style de leadership unilatéral, refusant systématiquement la logique collégiale qui devait pourtant gouverner le fonctionnement du CPT. Il a tenté d’imposer sa volonté sans tenir compte des règles internes de fonctionnement, créant des conflits ouverts avec d’autres membres du conseil et sapant les principes de la présidence tournante.
2. Des tentatives de déstabilisation du gouvernement
Accusé par plusieurs observateurs d’avoir cherché à faire échec au gouvernement en place, il aurait multiplié les manœuvres souterraines pour rester au pouvoir. L’objectif ? Garder la tête du CPT en écartant le Premier ministre et certains membres-clés de l’équipe gouvernementale. Ces accusations, suscitant de vives réactions dans les milieux diplomatiques, jettent un voile sombre sur la fin de son mandat.
3. Une paralysie des instances décisionnelles
Sous sa présidence, le Conseil des ministres n’a pratiquement pas été convoqué, bloquant ainsi plusieurs décisions essentielles pour la bonne marche du pays. Cette absence de pilotage exécutif a freiné les politiques publiques et l’exécution du budget d’urgence, déjà difficile à mettre en œuvre dans un contexte de crise.
4. Une incapacité à mettre l’intérêt collectif au-dessus de l’ego
Au lieu d’agir comme chef d’orchestre, Fritz Jean s’est souvent comporté en homme-orchestre, préférant imposer sa vision plutôt que de construire des consensus. Ce positionnement rigide a nui au fonctionnement harmonieux du conseil et à la mise en œuvre de solutions concrètes pour la population.
5. Une relation conflictuelle avec le gouvernement
Durant son mandat, il a constamment tenu le gouvernement à distance. Cette absence de coordination a amplifié la crise de gouvernance et fragilisé les réponses institutionnelles aux urgences nationales, notamment en matière de sécurité, de logement et d’aide humanitaire.
6. Le maintien de responsables contestés malgré l’échec sécuritaire
Malgré l’aggravation de la situation sécuritaire, il a continué de soutenir certains hauts responsables pourtant fortement critiqués. Ce comportement a nourri des soupçons d’intérêts croisés et de récompenses politiques, dans un climat de méfiance et de rumeurs.
7. L’abandon des principes de l’accord qui l’avait porté au pouvoir
Enfin, il aura été perçu comme celui qui a tourné le dos aux idéaux du mouvement qui l’a propulsé à la tête du CPT. Alors qu’il avait été désigné comme un compromis issu d’un large consensus politique, il a vite donné le sentiment de vouloir se détacher de ses engagements pour se maintenir, coûte que coûte, au sommet.
Ce passage à vide, marqué par des dérives autoritaires, des tentatives de blocage et un climat d’instabilité, restera gravé dans les mémoires comme une période manquée de la transition haïtienne. Alors que Laurent Saint-Cyr s’apprête à reprendre le flambeau, le pays espère tourner la page sur cette phase trouble pour se recentrer sur l’essentiel : la sécurité, le référendum et les élections.
Jean-Samson Étienne