Pour combattre le phénomène de l’insécurité comme responsable d’État en Haïti, il faut avoir le courage de perdre ses amis, ses alliés et même sa fonction. Il faut aussi, même au péril de sa vie, être prêt à aller jusqu’au bout… Comme l’ancien Premier ministre Laurent Salvador Lamothe, quoi qu’on puisse lui reprocher, l’avait récemment fait, le Premier ministre Ariel Henry devrait s’atteler à montrer cette volonté politique pour que les forces de l’ordre aient les moyens nécessaires et la latitude pour mettre les bandits hors d’état de nuire, à quelque camp qu’ils puissent appartenir. Il ne va pas réinventer la houe.
La nouvelle de l’arrestation de Clifford Brandt par la Police nationale, l’ancien patron d’une entreprise spécialisée dans la vente d’automobiles en Haïti, pour une affaire de kidnapping, était tombée comme un coup de tonnerre dans un ciel bleu, le lundi 22 octobre 2012, sous le gouvernement dirigé par Laurent Salvador Lamothe. Car, personne ne s’y attendait. Brandt, cette famille bourgeoise haïtienne, compte parmi les plus riches, celles qui créent plus d’emplois et, comme on dit souvent, qui contrôlent l’appareil de l’État par des personnes interposées dans le pays. Bref, on les croyait intouchables.
Considéré comme le plus puissant chef de gang de la Caraïbe, le riche homme d’affaires est actuellement écroué au pénitencier national pour purger ses peines en compagnie des agents de la Police nationale dont Marc-Arthur Phébé, ancien chef du Cat Team, une unité de la PNH basée au Palais National.
Même le farouche opposant au gouvernement d’alors, le sénateur en fonction à cette époque-là, Moïse Jean-Charles, a affirmé dans les médias que seul le Premier ministre Laurent Lamothe a été en faveur de l’arrestation. Et que le président Michel Martelly s’y opposait », selon un article de l’agence en ligne Alter presse publié le 15 novembre 2012, ce même article a cité un rapport publié le 13 novembre 2021 par le Réseau national de défense des droits humains (Rnddh), selon lequel « Clifford Brandt aurait eu en sa possession une carte de conseiller du président Martelly ». Ce qui allait être démenti par les autorités, a poursuivi l’article.
D’où la prolifération, l’alimentation et la guerre des gangs nécessitent toujours l’ultime sacrifice des autorités de l’État pour les combattre réellement.Toutes inactions, toutes indifférentes, toutes passivités sont assimilables à une sorte de complot contre l’intérêt de la collectivité au profit d’un groupuscule. À l’État appartient le monopole de la violence légitime. Cette détérioration du climat sécuritaire bien que tragique n’est pas une fatalité. En 2004, certains quartiers de la zone métropolitaine ont connu des moments pareils, de 2006 jusqu’à 2019 la vie y avait repris son cours normal avec certainement quelques soubresauts liés très souvent à des instants d’instabilité politique. Premier ministre, mettez-vous à la hauteur de votre responsabilité pour venir à bout de cette insécurité chronique. Il n’y a pas de famille intouchable ni de chef de gang introuvable. Notre histoire récente l’a amplement prouvé. Sinon remettez le tablier (tchoula kò w) !
Élysée Etienne