Dans une interview exclusive accordée ce mercredi 2 juillet à notre rédaction, le Dr Jean Ardouin Esther Louis-Charles, universitaire et cadre du RDNP de l’ancien Président de la République feu Lesly François Manigat, a livré une analyse sans concession de la situation politique, sociale et sécuritaire du pays. Il pointe du doigt la corruption comme l’une des causes profondes de la crise multidimensionnelle que traverse actuellement Haïti.
« La corruption est à la racine de l’effondrement de nos institutions. Elle nourrit l’insécurité, affaiblit l’État et appauvrit la population », déclare-t-il sans langue de bois.
Selon ce professeur à l’Université d’État d’Haïti, les neuf membres du Conseil présidentiel de transition (CPT) ont échoué dans leur mission. « Chacun s’est retranché dans la défense des intérêts partisans, ignorant totalement les préoccupations fondamentales du peuple haïtien », déplore-t-il, ajoutant que « le scandale de corruption est devenu monnaie courante au sein de cette administration, et les premières victimes sont les citoyens ». Il cite comme exemple le dossier de la BNC.
Dr Louis-Charles décrit un tableau sombre : populations déplacées par les gangs, routes nationales bloquées, misère chronique dans les abris de fortune, et un État absent. « Le peuple est délogé, chassé, abandonné. Il vit dans une insalubrité permanente pendant que ceux qui devraient le représenter se battent pour des privilèges », s’indigne-t-il.
Face à cette situation, le firministe plaide pour une refondation politique à travers les nouvelles négociations initiées par la Caricom. « Il faut remplacer les membres du CPT et leur gouvernement par des hommes et des femmes intègres, compétents et patriotes, ayant le sens du bien commun, à l’instar d’Anténor Firmin », propose-t-il.
Interrogé sur l’alliance entre son organisation sociopolitique, le REMEDH, et le dissident du parti Pitit Dessalines Abel Loreston dans le cadre de l’Accord Caribe, il précise : « Nous avons déjà collaboré avec Pasteur Loreston, notamment en soutenant la candidature de Moïse Jean-Charles. Ce rapprochement ne nous est donc pas étranger. »
Concernant la menace de déportation de plus de 550 000 Haïtiens en vertu de la décision de l’administration Trump de mettre fin au TPS, l’ancien directeur général du MHAVE affirme : « Le président américain a certes le droit de protéger son territoire, mais les Haïtiens ne sont pas des criminels. Ce sont des travailleurs acharnés, des pères et mères de famille courageux. »
Selon lui, cette décision relève d’un « abus d’autorité teinté de discrimination ». Il conclut sur une note d’espoir : « En l’absence de réaction des autorités haïtiennes, il reste à espérer que la justice américaine, encore forte et respectée, triomphe. »
Figure historique de la pensée haïtienne, il est important de rappeler qu’ Anténor Firmin (1850-1911) fut un homme politique, diplomate et intellectuel. Son œuvre majeure, “De l’égalité des races humaines”, a marqué les sciences sociales. Firmin incarne l’idéal d’un leadership éclairé, fondé sur la compétence, l’intégrité et l’amour de la patrie.
Mario Jean-Pierre