Le conflit opposant Emmanuel Paret, propriétaire de Kaliko Beach, et la compagnie de télécommunication Digicel soulève une situation inquiétante : l’État haïtien, supposé être le régulateur et le défenseur des intérêts de la société, semble absent dans une crise où la population en est la principale victime. Depuis samedi matin, le service internet de Digicel est hors service en raison de la coupure d’un câble sous-marin, situé dans la zone de l’ancien hôtel Kaliko Beach. Or, ce problème dépasse un simple conflit commercial. Il soulève des questions sur l’impunité et l’absence d’intervention de l’État dans la protection des services publics essentiels.
Un conflit financier devenu crise nationale
Au cœur du problème, une dette de 2,5 millions de dollars que Digicel doit à Emmanuel Paret depuis 2019. Ce dernier, ne voyant toujours pas de règlement en vue, a décidé de restreindre l’accès à sa propriété, empêchant ainsi les réparations du câble endommagé. Pendant ce temps, la population haïtienne, déjà confrontée à des conditions de vie difficiles, est privée d’un service de communication majeure pour ses activités quotidiennes.
Jean Philippe Brun, directeur général de Digicel, a appelé à plusieurs reprises à l’intervention de Paret pour permettre les réparations nécessaires, mais aucune solution n’a encore été trouvée. En parallèle, des suspicions circulent autour de potentiels liens entre ces compagnies et les gangs armés qui opèrent dans la zone. Ces allégations, bien qu’encore non confirmées, viennent ajouter un climat de méfiance et de doute qui alourdit la situation.
L’État haïtien : un silence inquiétant
Face à cette impasse, le silence de l’État haïtien est assourdissant. En tant que principal régulateur et protecteur des services publics, il incombe à l’État de s’assurer que les entreprises respectent la loi et que les citoyens ne soient pas pénalisés par des conflits d’ordre privé. Pourtant, aucune autorité publique ne s’est encore manifestée pour résoudre ce problème qui affecte des millions de personnes.
L’intervention de l’État aurait dû se faire en amont, en évitant que des services aussi essentiels que l’internet ne soient pris en otage dans des conflits d’ordre privé. Il aurait été logique que ce différend soit tranché par les tribunaux compétents, permettant ainsi à la justice de jouer son rôle, et non de laisser une partie prendre des décisions qui impactent négativement toute la société.
Le rôle défaillant de l’État dans la régulation
Dans une société, l’État doit assumer pleinement son rôle de régulateur. Il doit arbitrer les conflits d’intérêts, veiller à la régulation des services publics essentiels et s’assurer que des actions individuelles ou corporatives ne compromettent pas les droits fondamentaux de la population. Or, dans ce dossier, l’absence d’une intervention de l’État traduit une défaillance majeure. Ce laxisme crée un précédent inquiétant où un individu ou une entreprise peut, sans conséquence immédiate, priver une large partie de la population de services indispensables, sous prétexte d’un conflit financier.
Le peuple paie le prix de l’inaction
Alors que Digicel et Emmanuel Paret s’accusent mutuellement, c’est bien la population haïtienne qui supporte les conséquences de cette crise. L’accès à internet n’est plus un luxe, c’est une nécessité. L’éducation, les affaires, les communications privées et professionnelles dépendent de ce service. L’inaction de l’État haïtien dans ce conflit ne fait qu’accentuer la vulnérabilité de la population.
Il est temps que les autorités haïtiennes prennent leurs responsabilités et interviennent pour que ce conflit soit tranché de manière légale, en mettant fin à une situation où le droit et la protection des citoyens sont bafoués.
Maryne N. Louis-Jeune