Depuis plusieurs mois, l’État haïtien multiplie les initiatives pour reprendre le contrôle du territoire : achats d’équipements lourds à la Police nationale, déploiement inédit de drones kamikazes, appui militaire international, nomination de Vladimir Paraison à la tête de la PNH. Ces efforts, bien que loin d’être parfaits, commencent à porter leurs fruits : plusieurs gangs se replient et certains déplacés osent rentrer timidement chez eux. Mais ce qui devrait être perçu comme une avancée majeure devient paradoxalement un argument de matraquage politique.
En Haïti, l’insécurité n’est pas seulement un fléau social : elle est souvent instrumentalisée comme tremplin politique. Dans les années 2003, des opposants à Aristide dénonçaient la violence tout en fermant les yeux sur leurs propres alliances avec des groupes armés. Sous Jovenel Moïse, le mouvement Peyi Lòk a révélé la collusion entre certains politiciens et des gangs utilisés comme force de pression. Aujourd’hui encore, Jimmy Chérizier alias “Barbecuerévèle que Vithelhomme Innocent bénéficie de soutiens politiques du Me André Michel dès ses débuts dans le banditisme.
Cette logique dépasse les frontières haïtiennes. En Colombie, des élus ont joué de la peur des guérillas tout en traitant avec des paramilitaires. Au Mexique, les cartels ont souvent servi de relais occultes pour certaines campagnes électorales. En République démocratique du Congo, les groupes armés ont été instrumentalisés par des élites locales pour conserver leur influence. Partout, la même mécanique : transformer la violence en marche vers le pouvoir.
Aujourd’hui, en exigeant des résultats immédiats du Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé, tout en niant systématiquement les avancées enregistrées, une partie de la classe politique haïtienne s’inscrit dans ce schéma. Loin de chercher une paix durable, elle façonne un récit d’échec pour affaiblir l’exécutif et se poser en alternative.
Le peuple, lui, reste otage : coincé entre les balles des gangs et l’hypocrisie des politiciens qui font de l’insécurité leur meilleure arme électorale.
Max A. Dérilus