Nous parlons souvent de justice en Haïti, nous réclamons justice, nous demandons justice, nous voulons justice, la justice est une de nos grandes priorités et revêt une importance majeure pour nous, car c’est une denrée rare dans notre petit pays.
Mais, quand on puise et fouille le parler et le contexte dans lequel les Haïtiens parlent de justice, force est il de constater, que le mot justice est interchangeable avec la revanche, le désir d’équipe et d’égalité sociale, il a rarement à voir avec la justice en soi.
Quand un Haïtien vous dit « il faut qu’il paie pour ce qu’il a fait, il faut qu’il soit jugé, mis en prison et même tué » plus de 90% de fois, cette personne ne réfère pas à un crime légal, mais à une perception ou réalité d’injustice sociale.
Le fossé creusé par les inégalités sociales en Haïti est indéniable, c’est un gouffre énorme qu’on voit difficilement comment le remplir, en fait il s’élargit de plus en plus, car il ne semble avoir rien pour le freiner. Les instances de l’État qui devraient mettre des balises pour contrecarrer les abus des failles de nos lois sont, elles-mêmes , dans ce même fossé.
Donc nos élites, nos entrepreneurs, nos businessmen et nos gouvernements sont accusés à raison d’être la cause de nos malheurs. Mais comment dissocier la justice sociale de la justice légale ? Car ce qui se passe actuellement c’est que n’ayant pas de justice sociale, on se penche dans le système légal pour obtenir cette justice dont nous avons tous soif.
Et c’est là que nous aussi nous tombons dans l’injustice, voulant à tout prix qu’ils paient pour leurs abus, nous sommes d’accord et nous applaudissons que la justice légale, nationale ou internationale les sanctionnent sans autre forme de procès ou de preuves, nous sommes même d’accord que certains innocents d’injustice sociale soient pris dans le collimateur, moyennant que nous ayons notre sentiment de revanche, que notre soif soit un peu étanchée.
Mais le problème reste entier, vu que le problème réside dans les failles d’un système construit pour être abusé, nous serons toujours les victimes de l’injustice sociale tant que les failles ne seront pas comblées.
Mireille P. Jeune