Suite à la résolution sénatoriale du 1er février 2018, la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) avait jusqu’au mois de janvier 2019 pour soumettre un rapport d’audit sur la gestion du fonds PetroCaribe durant la période s’étalant de septembre 2008 à septembre 2016. Dans un souci de respecter le délai imposé, ce 31 janvier, un rapport préliminaire a été soumis au Sénat de la République par la CSC/CA.
Que peut-on retenir assez rapidement de ce document ?
Les motifs du retard de la soumission du rapport
La Cour a justifié que le retard de la soumission du rapport est dû à la lenteur et à la réticence de certaines institutions à fournir les documents en lien avec lesdits projets. Une situation qui a été bel et bien alertée au Premier ministre Jean-Henry Céant dans une correspondance adressée le 4 décembre 2018.
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Toutefois, la Cour informe dans son rapport, avoir choisi d’auditer seulement les projets pour lesquels les
dossiers complets lui ont été soumis par les institutions concernées et promet que le travail définitif sera soumis en avril prochain.
Les institutions publiques auditées par le rapport
Selon l’audit, cinq entités publiques ont fait l’objet de remarques et d’irrégularités, certaines plus graves que les autres, dans la conduite du fonds PetroCaribe : Le Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD), le Ministère des Travaux Publics, Transports et Communication (MTPTC), le Ministère de la Planification et de la Coopération Externe (MPCE), le Ministère de l’Agriculture, des Ressources Naturelles et du Développement Rural (MARNDR) et le Ministère du Tourisme et des Industries Créatives (MTIC)
Par contre, on a pu remarquer que le Bureau de Monétisation des Programmes d’Aide au Développement (BMPAD) et le Ministère des Travaux Publics Transports et Communication (MTPTC) sont au top des irrégularités tant sur le plan financier qu’administratif.
Quant aux autres institutions auditées, il ne s’agît que de simples glissements de procédures, mais qui ne sont pas non plus négligeables.
Quelques données chiffrées relevées dans le rapport
Soulignons que les principales utilisations des fonds Petrocaribe concernent le financement des projets de développement, le remboursement de la dette, le financement des centrales électriques et les frais de gestion du BMPAD.
Rajoutons aussi que de septembre 2008 à septembre 2016, la CSCCA a recensé 409 projets provenant de 14 résolutions prises en Conseil des Ministres pour une valeur de 2,238,164,040.74 milliards de dollars américains. Mais suite à une série de désaffectations et de réaffectations, le budget a été révisé à 1,738,691,909.70 USD.
Selon les rapports de décaissement du BMPAD, 92,4% de ce budget révisé ont été décaissés, soit 1,605,905,287.84 USD. (voir tableau ci-dessous)
Il faut aussi rappeler qu’au 30 septembre 2016, les 612,161,711.62 USD alloués au financement des centrales électriques sont la somme de deux composantes :
- La dette de l’EDH qui est de 425,447 805,13 USD.
- La dette de SOGENER s’élèvant à 186,713,906,49 USD.
La plus grande intrigue découlant du rapport
Le plus surprenant dans le rapport, c’est que la Firme AGRITRANS de Jovenel Moïse est listée parmi les firmes ayant effectué des transactions obscures de mèche avec l’ancien Ministre de l’Économie et des Finances et ancien Directeur de Cabinet du Président de la République, Wilson Laleau.
De plus, alors que Jovenel Moïse est encore vivant et dirige le pays, la CSC/CA affirme ne pas trouver les documents nécessaires pour justifier les contrats de réhabilitation des tronçons de route : Carrefour Trois/ Côtes-de-Fer (Localité de la Ville de Port-de-Paix) (Bordereau 1) et Borgne/Petit Bourg de Borgne (Borderau 2).
Alors que le montant réel des décaissements effectués pour ces deux contrats s’élève à 35,438,795.43 gourdes, la Cour a découvert une correspondance datée du 20 mai 2015, signée du Ministre de l’Économie et des Finances d’alors, Wilson Laleau, ordonnant le BMPAD de virer au compte «121207472/ Compte Spécial du Trésor pour le Développement», la somme de 50,806,646.25 gourdes dont une partie a servi à honorer les bordereaux présentés par la firme. (voir le tableau ci-après)
Si l’on s’en tient à l’adage « Charité bien ordonnée commence par soi-même », le Président Jovenel Moïse, clamant haut et fort qu’il fera tous les efforts possibles pour mener à bon port le dénouement de l’affaire PetroCaribe, doit fournir des explications à la Nation sur ses implications dans le décaissement de ces montants non justifiés.
Comparativement aux propos lancés sur Twitter le Président va devoir faire le premier pas. Et l’on ose croire que Monsieur Jovenel Moïse ne fait pas partie des cinq problèmes (Corruption, Corruption, Corruption, Corruption et Corruption) qu’il avait identifiés lors de son intervention à la 73e session de l’Assemblée générale des Nations Unies.
En effet, ceci ne constitue qu’un bref éventail de quelques éléments percutants du rapport. D’autres analyses plus profondes seront communiquées sous peu.
Accéder à l’intégralité du rapport en cliquant sur le lien ci-dessous :
PETROCARIBE : Rapport préliminaire de la Cour Supérieure des Comptes / janvier 2019
L’Archange