Á travers l’histoire de ce pays, nous avons constaté que les manifestations ont toujours été un des recours efficaces pour ce peuple afin de faire passer ses revendications et ses frustrations. Les évènements de 1986, 2004 ou ceux de 6, 7 juillet de l’an dernier ne cessent de nous le rappeler, « Foulez le macadam, telle est la langue que comprennent les dirigeants ». Mais à côté de ces revendications toujours justes du peuple, les violences et les vandalismes qui en résultent, entachent à chaque fois ces nobles causes.
Durant les 6, 7 juillet 2018, les 10 jours de mobilisation sans relâche baptisés « pays lock » ou encore les dernières manifestations de ce 9 juin, nous avons assisté à un déchainement de violence qui n’est pas rare, mais qui prend de plus en plus d’ampleur. Il en est résulté de lourds dommages : voitures incendiées, vitrines et immeubles dégradés et le pillage de certaines entreprises. Comment qualifier ces actes ? Qui sont les responsables ? Quelles sont donc les sanctions pénales applicables ? Et que faire lorsqu’on est victime ?
Ces actes sont considérés comme des actes de vandalisme, puisqu’ils consistent à non seulement détruire, mais à détériorer les biens d’autrui avec l’intention de nuire de manière gratuite. Les actes de vandalisme sont sévèrement punis par la loi. Dans la législation haïtienne, ils sont qualifiés de destruction, dégradation, dommages. Elle prévoit dans son arsenal juridique, en l’occurrence le Code Pénal, des mesures coercitives au cas où un individu aurait commis de telles infractions, en ses articles 356 et 361.
Mais jusqu’à date aucun auteur direct n’a été ni identifié, ni interpellé par le Parquet, ce qui rend difficile la possibilité pour les victimes (toujours aussi nombreuses) d’agir en responsabilité des faits personnels, se constituer partie civile au moment de porter plainte et d’obtenir réparation des préjudices subis, conformément aux vœux des articles 1168 et 1169 du Code Civil haïtien.
En outre, les victimes comme les petits commerçants ou les propriétaires de voitures malchanceux, qui n’ont point de couverture d’assurance et qui n’ont pas su identifier les contrevenants, pourraient avoir recours à deux possibilités :
Primo : Envisager d’engager la responsabilité des principaux organisateurs des mobilisations sous l’égide des mêmes articles du code civil susmentionnés ;
Secundo : Exercer une action récursoire contre l’État : « La responsabilité sans faute de l’Etat du fait des attroupements et des rassemblements» en tant que garant de la sécurité de la population par le biais des institutions créées à cet effet.
Mais en l’espèce, la législation haïtienne n’a pas de provisions légales sur la responsabilité sans faute de l’Etat. En droit français, ce cas d’espèce est pris en considération sur le fondement des dispositions de l’article L.221-10 du code de sécurité intérieure (auparavant codifiées à l’article L.2216-3 du code général des collectivités territoriales qui dispose :
« L’État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et des délits commis à force ouverte ou par violence par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. Il peut exercer une action récursoire contre la commune lorsque la responsabilité de celle-ci se trouve engagée.» Dans ce régime de responsabilité de l’État, on n’impose pas d’établir l’existence d’une quelconque faute.
Pour mettre ce régime en œuvre, il faut en effet s’agir de dommages :
- Commis à force ouverte ou par violence ;
- Résultants de crimes et délits ;
- Causés par attroupement ou un rassemblement.
Face à cette situation inquiétante, beaucoup de citoyens sont frustrés, terrorisés, et s’interrogent quotidiennement sur l’avenir des habitants de ce pays lors des manifestations, qu’ils soient commerçants ou simple consommateur, de la responsabilité des dirigeants du pouvoir central, et des officiers responsables de prononcer le mot du droit dans la société. Car bon nombre de manifestants profitent dans ces moments de troubles pour faire passer leurs frustrations sur des biens qu’ils ne possèdent pas (voitures, immeubles) ou pour régler leurs comptes avec des particuliers
Ce qui fait que lors des manifestations, le vandalisme est une pratique qui est en phase de devenir normale. Alors les autorités doivent l’anticiper et donner une réponse pertinente aux contrevenants.
Me Caleb Berger