Pour comprendre un peuple il faut, entre autres, comprendre son histoire, car c’est là que se manifeste sa vraie nature. Au niveau de PoliticoTech, nous avons établi depuis tantôt cinq (5) ans, une base de données sur les Chefs d’État haïtiens. Cet outil nous a permis de comprendre ce à quoi ressemblent les fins de règne des locataires du Palais National.
Dans ce contexte historique et politique troublant, nous nous permettons de faire parler la science et partageons une succincte revue sur les fins de règne des Chefs d’État haïtiens de l’indépendance à nos jours.
L’histoire du pays nous a permis d’établir six (6) catégories de fin de règne des Chefs d’État haïtiens :
- Assassinat (4) ;
- Démission (5) ;
- Destitution (23) ;
- Mandat bouclé (7) ;
- Mort au pouvoir (6) et
- Pouvoir retransmis (6).
Avant de nous engager dans le fond du sujet, nous souhaitons faire une précision concernant les catégories « démission et pouvoir retransmis». Le « pouvoir retransmis » est constitué spécifiquement des Présidents provisoires qui, après leur mission, ont retransmis le pouvoir à un président élu. Parmi les présidents provisoires, nous comptons aussi ceux qui ont « démissionné » avant la fin de leur mission, comme pour exceptionnellement Louis Eugène Roy dont la mission n’était pas limitée à une date précise, mais qui a su jeter l’éponge une fois sa mission terminée.
La base de données produite par PoliticoThech compte cinquante-deux (52) Chefs d’État. Nous ne considérons pas dans cette approche les présidents intérim. Seuls sont pris en compte, les Chefs d’État élus, nommés ou ratifiés par une assemblée et les présidents d’un comité de salut public mandaté. Dans cette démarche, Monsieur Jovenel Moïse n’est pas pris en compte, considérant qu’il est encore en fonction. Nous attendons le verdict de l’histoire pour savoir dans quelle catégorie l’intégrer.
Cette base de données que nous appelons au niveau de Politicotech « Données stratégiques sur les Chefs d’État » nous a permis de comprendre que jusque-là aucun président élu n’a encore remis sa démission, si ce n’est qu’une destitution déjà effective que l’on vient maquiller par une soi-disant lettre de dégagement (JBA). L’éthique de la démission ne fait pas partie du lexique politique haïtien. Si les chefs d’État haïtiens ont toujours été les artisans d’interminables crises dans toute l’histoire politique du pays, ils sont rares à savoir démissionner au moment où les crises qu’ils ont engendrées ou en sont les victimes se sont révélées suffisamment aigues.
Seulement cinq présidents ont déjà démissionné à la tête du pays et ils ont tous été des présidents provisoires, à l’exception de Prosper Avril qui avait orchestré un coup d’État, mais quelques années plus tard a dû démissionner et partir pour l’exil à Miami le 12 mars 1990. Les présidents provisoires étaient : Franck Sylvain[1], Joseph C. Nerette[2], Joseph Nemours Pierre Louis[3] et l’exceptionnel Louis Eugène Roy[4].
En définitive, pour les Présidents qui ont démissionné, leur position et le contexte s’y prêtaient toujours. Le pourcentage des démissionnés représente seulement 10% de l’ensemble des Chefs d’État, alors que ceux qui ont été destitués (45%) et assassinés (8%) font en tout 53%, à comparer aux rares locataires du Palais National qui ont bouclé leur mandat, lesquels ne représentent que 13%.
Ces données nous démontrent que la destitution représente une proportion importante dans les différentes catégories de fin de règne des Chefs d’État haïtiens. Nous l’avons même rencontré après 1986 où le pays était à l’époque rentré dans l’ère démocratique. 1986 a renversé la dictature qui dirigeait par la force en instaurant la peur, mais a gardé les pratiques de déstabilisations et de crises politiques interminables qui sillonnent et arpentent toute l’histoire politique d’Haïti.
Depuis plus de 30 ans, la vulnérabilité du pays se joue suivant les caprices des puissances internationales et des grands partis américains. Le pays est imprévisible. Les institutions étant faibles, et l’État impuissant et voire incapable de garantir la stabilité et la sécurité. Le facteur le plus déterminant étant le Blanc (les Américains surtout), le destin de nos chefs d’État dépend surtout de ce qui se trame dans les couloirs de la Maison Blanche et du Département d’État, plutôt que dans les rencontres politiques des acteurs sur le terrain.
Roudy Stanley PENN
Directeur Général PoliticoTech
[1] Démission remise au Chef d’État major de l’Armée le 2 avril 1957.
[2] Il remet sa démission le 19 Juin 1992.
[3] Il donne sa démission le 2 février 1957
[4] Roy remet sa démission à l’Assemblée nationale le 18 novembre 1930.