Alors que Port-au-Prince s’enfonce chaque jour un peu plus dans la violence des gangs, ceux qui sont censés agir affichent une indifférence révoltante. À la tête du Conseil présidentiel de transition (CPT), Fritz Alphonse Jean promettait il y a peu de mobiliser toutes les ressources de l’État pour restaurer l’ordre. De son côté, Rameau Normil, de retour à la tête de la Police nationale d’Haïti (PNH), devait mener la riposte sécuritaire. Mais au lieu d’actions concrètes, c’est un spectacle de passivité qui se joue sous les yeux d’une population abandonnée.
Le week-end dernier, alors que la capitale était accaparée par des gangs et que les citoyens cherchaient désespérément à fuir l’enfer, Fritz Alphonse Jean a organisé un festin privé dans le Nord avec faste. Au rendez-vous, des invités triés sur le volet… et des hélicoptères mobilisés pour assurer leur transport, aux frais de l’État. Un privilège indécent quand on sait que les routes nationales sont contrôlées par des criminels qui empêchent toute circulation. Pendant que les plus vulnérables sont piégés à Port-au-Prince, le dirigeant festoie dans l’opulence, loin du chaos, en totale contradiction avec ses discours sur la mobilisation des maigres ressources de l’État.
Quant à Rameau Normil, son retour à la tête de la PNH n’a apporté aucun changement notable. Chaque jour, les gangs gagnent du terrain, multiplient les attaques, incendient des bâtiments comme l’ancien local de la Radio Télévision Caraïbes (RTVC), à quelques mètres seulement du Palais National. Pourtant, aucune offensive sérieuse n’est engagée contre eux. Le directeur général de la PNH semble plus préoccupé par son image et ses intérêts que par la sécurité nationale. Ses interventions relèvent davantage du saupoudrage médiatique que d’une véritable stratégie sécuritaire.
Face à ce chaos grandissant, le silence et l’inaction de ces deux hommes prennent des allures de complicité. Comme si cette situation leur convenait, comme si l’effondrement du pays était un spectacle dont ils se contentent d’être les insouciants spectateurs. Jusqu’à quand cette descente aux enfers de la population se poursuivra-t-elle sans une véritable prise de responsabilité ?
Jean-Samson Étienne