Depuis plusieurs mois, le vétéran haïtiano-américain Rod Joseph milite activement pour une réponse militaire face à la crise sécuritaire en Haïti. Ancien officier de l’armée américaine, ex-instructeur de la Police nationale d’Haïti et spécialiste des relations internationales, il a proposé l’appui d’anciens combattants haïtiens naturalisés aux États-Unis, des dons de drones, et une stratégie d’intervention ciblée contre les gangs.
Rod Joseph affirme même avoir été en contact avec Erik Prince, fondateur controversé de Blackwater, pour discuter d’une collaboration. L’idée initiale, selon ses dires, était de mobiliser des soldats salvadoriens contractés par la société militaire privée. Il évoque une logistique robuste : hélicoptères de combat, drones, technologies de pointe. Mais alors qu’il pensait jouer un rôle central dans cette mission, le contrat aurait finalement été conclu sans lui – et au profit direct d’Erik Prince.
Depuis, l’ancien militaire exprime publiquement de vives critiques à l’égard de l’accord. Dans une interview au New York Times, il met en garde contre un risque de « carnage », rappelant le drame de Bagdad en 2007, où des agents de Blackwater avaient tué des civils.
Pourtant, les contextes diffèrent profondément. En Irak, les forces privées opéraient dans une zone de guerre active, face à des civils parfois armés. En Haïti, les gangs armés n’ont aucune légitimité populaire. Ils sèment la terreur, pillent, tuent et poussent les familles à fuir leurs quartiers. Aujourd’hui, isolés dans des bastions comme Delmas 2 ou Village-de-Dieu, ils ne bénéficient ni de couverture politique ni de soutien de la population. La comparaison avec Bagdad paraît donc exagérée.
La posture de Rod Joseph soulève des interrogations. Loin d’être uniquement un expert en sécurité mû par le patriotisme, il apparaît également comme un acteur frustré de ne pas avoir été associé à la signature de ce contrat, qu’il qualifie lui-même de plus lucratif que le commerce de la drogue. Son alerte sur l’absence d’encadrement américain reste fondée. Mais elle semble aussi empreinte d’amertume.
Dans un pays où l’État peine à reprendre le contrôle sécuritaire de son territoire depuis près d’une décennie, ce contrat de sécurité pourrait, sous condition de transparence et de supervision rigoureuse, représenter un outil transitoire pour briser l’impunité des gangs. Une solution imparfaite, certes, mais que les circonstances imposent.
Jean-Samson Étienne