Cet article a pour objectif d’analyser la situation environnementale de la commune de Cabaret en se basant sur la qualité de vie de la population durant ces 30 dernieres années. Pour cela, nous partons de la question de l’aménagement du territoire qui a pour but de promouvoir la mise en valeur des ressources locales et d’améliorer le cadre de vie ainsi que les conditions d’existence des habitants en atténuant les disparités de développement économiques et sociales. Autrement dit, l’aménagement du territoire s’impose comme un instrument de rétablissement de l’équilibre socio-économique et environnemental, un outil de correction des disparités sócio-spatiales régionales dues à une quelconque croissance comme dans le cas de notre étude sur la ville de Cabaret.
Localisation et caractérisation de la commune de Cabaret.
Selon l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique (IHSI, 2010), la commune de Cabaret est située dans le département de l’Ouest de la République d’Haïti. Elle est située à 35 kilomètres de Port-au-Prince et fait partie de l’arrondissement de l’Arcahaie. Sur le plan géographique, Cabaret est délimité au nord par la commune de l’Arcahaie et de Saut-d’eau; au sud par la mer des caraïbes; à l’est par les communes de la Croix-des-Bouquets et Saut-d’eau et à l’ouest par la commune de l’Arcahaie et la mer des caraïbes.
Cabaret a été considéré comme commune le 21 juin 1933 sous le Président Sténio Vincent. La Commune a été construite par l’État haïtien dans les années 1960. C’était une ville moderne et bien conçue, respectant les normes urbaines. Même dans les périodes pluvieuses, on pourrait circuler dans les rues sans difficultés. Cependant, depuis les années 1980, l’instabilité politique a eu un impact considérable sur Cabaret, en particulier, le vieux centre est considérablement modifié par la croissance urbaine désordonnée. C’est aussi la porte d’entrée aux « cotes des Arcadins », un important centre touristique du pays. La commune a une superficie de 204,89 km2 et est divisée en quatre (4) Sections communales: 1ere section Boucassin, 2eme section Boucassin, 3eme section source Matelas, 4eme section Fonds des Blancs (CHARLES, 2017).
Du point de vue administratif et financier, les principales activités de Cabaret sont l’agriculture et le commerce, en rappelant que Cabaret et Arcahaie font parties des principaux régions responsables de la production de bananes pour le marché de consommation local du pays. La municipalité de Cabaret a un climat tropical, à l’exception de la section 4ème qui présente un climat plus frais en raison de son altitude, étant la partie la plus élevée de cette commune et en raison de sa position géographique, cette zone reçoit entre 800 et 1800 mm de précipitations en moyenne annuelle (CHARLES, 2017).
Selon le recensement de 2015 de l’IHSI, la Commune de Cabaret compte 68.245 habitants, ce qui donne une densité de 346 habitants par kilomètre carré, répartis dans les zones rurales et urbaines. Près de 78% de cette population vit dans les zones rurales et la moitié (51,7%) de la population sont des femmes. La pénurie d’hommes est beaucoup plus prononcée dans les zones urbaines (86 hommes pour 100 femmes) que dans les zones rurales (95 hommes pour 100 femmes). La répartition de la population est la suivante: 68% sont des personnes âgées de 15 à 64 ans et 32% des personnes de plus de 65 ans. (IHSI, 2010).
Vulnérabilité socio-environnmentale de la ville de Cabaret
La Commune de Cabaret présente un haut degré de fragilité environnementale. Depuis les années 1980, des instabilités de toutes sortes (politiques, économiques et sociales) ont eu des impacts considérables sur cette dite commune sans oublier la croissance urbaine désordonnée. Conséquemment, la commune de Cabaret présente depuis des décennies, un degré de fragilité assez élevé.
Selon le rapport de l’Organisation des Nations-unies (ONU) de 2008, ce problème est lié au manque d’assainissement de base. Dans la nuit du 6 au 7 septembre 2008, Cabaret a subi le passage des tempêtes Ike et Hanna qui a causé des dégâts importants dans cette localité avec un niveau alarmant: 71 morts, 20 disparus, 410 maisons détruites, 530 maisons endommagées, 6530 familles sans-abri, 1250 hectares de terres plantées en bananes, maïs et manioc détruits. Les maisons qui n’ont pas été détruites ou endommagées ont été envahies par la boue, forçant leurs propriétaires à les nettoyés immédiatement pour continuer leur vie s’ils ne voulaient pas aller dans des abris provisoires. Ainsi, selon la Direction de la Protection Civile (2008), la municipalité devient un lieu symbolique des catastrophes naturelles dans le pays.
Ainsi, avec le temps et les conditions météorologiques défavorables, Cabaret révèle encore plus sa vulnérabilité. En octobre 2007, cette région avait subi de graves inondations. Le dernier rapport de la Direction de la Protection Civile de 2008 a révélé que plus de 20 personnes ont perdu leur vie en dehors de grandes pertes socio-économiques et environnementales. Les dégâts déjà causés par la saison des ouragans ne font que confirmer la fragilité environnementale de cette zone. Mais ce n’est pas seulement la commune de Cabaret qui peut être considérée comme un symbole de catastrophe, c’est tout le pays, car Haïti connaît dans moins d’un mois quatre grandes tempêtes tropicales: Hanna, Ike, Gustave et Fay. L’Organisation des Nations Unies (ONU, 2008) indique que 800 000 personnes ont été touchées, représentant 10% de la population.
La Municipalité de Cabaret n’a pas été épargnée du tremblement de terre de 2010 qui a dévasté plusieurs localités et qui a brisé les infrastructures locales. Il y a eu 72 morts, 13 disparus et 2566 blessés. Plus de 3500 maisons ont été détruites et environ 10000 endommagées, 183 institutions publiques et privées ont été endommagés ou détruits dans les quatre Sections communales de la Municipalité. Malgré les dégâts causés par le séisme, Cabaret recevait plus de 2000 personnes, venant de la région métropolitaine de Port-au-Prince, cherchant une meilleure qualité de vie (CHARLES, 2017).
La question d’urbanisation à Cabaret.
Selon Desrosiers (2017), le phénomène d’urbanisation en Haïti a connu une accélération dans les années 1980 avec la privatisation, la baisse des revenus des petits propriétaires, l’augmentation des prix des denrées alimentaires, et la réduction des dépenses publiques dans les autres villes du pays ont poussé les Haïtiens du monde rural vers les villes, en particulier vers Port-au-Prince, où ils ont essayé de gagner une nouvelle vie grâce à la production industrielle. Cependant, cet exode rural au niveau national a directement affecté le paysage urbain spécialement les villes et a provoqué la réorganisation de l’espace urbain, la dégradation urbaine et la prolifération des bidonvilles à travers l’agglomération urbaine dans le pays, construites d’une façon irrégulière généralement dans des zones à risque.
La Commune de Cabaret comme les autres villes du pays a connu la même réalité, dans le sens que, le tremblement de terre qui a dévasté le pays ne fait qu’aggraver la situation des villes provinces, comme par exemple, l’occupation d’une façon irrégulière de nouvelles zones dans l’aire métropolitaine, en particulier, la municipalité de Cabaret qui, après le tremblement de terre du 12 janvier 2010, a connu un processus d’urbanisation irrégulière et non planifiée, sans aucun plan directeur.
En effet, avant le tremblement de terre de janvier 2010, les problèmes tant sociaux qu’environnementaux que confrontaient la ville de Cabaret, étaient considérables: insalubrité, inondation, problèmes de mobilité urbaine, accessibilité, accumulation des ordures à travers les rues du Centre-ville, marchés publics localisés dans des endroits non appropriés, le problème de l’assainissement, d’accès à l’eau potable et d’électricité ne sont pas toujours résolus. En ce sens, la situation de l’organisation spatiale de la ville de Cabaret a aggravé après le séisme. Cabaret fait partie des villes les plus vulnérables du pays. Les périodes pluvieuses ne sont pas toujours les bien-venues à cause de la précarité structurelle de son environnement.
Considérations finales et recommandations
Pour remédier, récupérer et préserver la qualité de l’environnement de la ville de Cabaret, un plan d’aménagement durable se révèle indispensable, sachant que l’aménagement du territoire est présenté comme un ensemble de mesures destinées à assurer un développement équilibré des régions par une meilleure répartition des populations et des activités. Rappelons que l’aménagement du territoire a pour mission de créer et maintenir des conditions spatiales favorables à l’épanouissement de la vie sociale, économique et culturelle du pays, des régions, des villes et villages et des quartiers. Il prend en compte les données naturelles et les besoins des générations futures.
En ce sens, pour sortir de cette situation, l’État doit réfléchir sur la mise en place d’une politique qui vise à mettre fin à ce problème. Au delà d’un plan d’aménagement du territoire efficace, un programme d’éducation environnemental visant la sensibilisation et la conscientisation de la population locale sur la nécessite de protéger l’environnement serait indispensable pour avoir un environnement sain. La mise en pratique des solutions proposées dans ce texte peut apporter une meilleure qualité de vie non seulement pour la génération actuelle, mais aussi pour la génération future, car les résultats seront positifs dans tous les domaines de la vie de la population.
Ralph Charles, Géographe.