La perte de valeur de la gourde par rapport au dollar américain est l’une des causes majeures de la crise économique actuelle du pays. Nous sommes tous concernés et tenus à bien comprendre les causes en vue de mieux orienter nos comportements sur le marché économique. C’est pour cela que cet article s’avère explicatif et tellement compréhensible que même les non-économistes pourront le comprendre aussi bien qu’un spécialiste en la matière.
Depuis un certain temps, la gourde ne cesse de perdre sa valeur par rapport au dollar américain, ce qui a causé une monté considérable du prix de biens et services marchands sur le marché haïtien. La cherté de la vie persiste. Le peuple, ne pouvant pas faire face à cela, gagne les rues pour manifester en vue de contraindre les autorités concernées à prendre une décision.
Pour mieux comprendre la perte de valeur d’une monnaie, plus particulièrement la gourde par rapport au dollar, il faut un peu de théorie économique, notamment la notion de taux de change, celle de la balance commerciale.
En effet, les économistes relatent deux systèmes de taux de change: un taux de change fixe d’un premier côté et de l’autre côté, un taux de change flexible ou flottant. Le taux de change fixe est le type de taux dans lequel c’est les autorités monétaires qui fixent la valeur de leur monnaie nationale. Dans ce cas, on parle de dévaluation quand la monnaie nationale perd sa valeur et d’évaluation quand elle en gagne. Le taux se dit flexible quand c’est les mécanismes du marché qui déterminent sa valeur par le biais du niveau de l’offre et de la demande. Dans ces conditions, on parle d’appréciation (prise de la valeur) et de dépréciation (perte de la valeur).
À ces explications, on voit automatiquement que le système de taux de change haïtien est flottant. Maintenant, la grande question est de savoir pourquoi la gourde est dépréciée à un tel point face au dollar américain?
Le dollar étasunien, une monnaie qui se fait rare sur le marché national
Le dollar américain, sa couleur verte, son pays d’origine et sa valeur par rapport à la gourde sont ce qui le rendent tellement important que tout le monde veut en avoir. Ce qui nous rend tous directement et/ou indirectement complices de la dévaluation de la gourde sans qu’on le sache. En effet, les causes dans un premier temps est que les bourgeois, étant majoritairement possesseurs de grands bureaux de change en Haïti, constatant que depuis 1991 le dollar américain n’a cessé de gagner de valeur par rapport à la gourde achètent sans limite le dollar et le vendent très peu. Le conserver sera pour eux une stratégie de la rendre rare; ce qui leur apportera plus de bénéfice à l’avenir.
Plus loin, certains bureaux de transferts, quand il s’agit de livrer aux bénéficiaires de transferts l’argent US qui leur est venu de la diaspora, ils veulent à tout prix livrer ces transferts en gourde. Par ailleurs, certains gens de la classe moyenne, se méfiant de plus en plus de la gourde, veulent tous épargner leur argent en dollar et non en gourde. Une discrimination qui valorise le dollar mais qui va au détriment de la gourde. Cette décision est néfaste pour l’économie nationale certes, mais logique et rationnelle pour les décideurs (les épargnants). Car cette décision leur sera personnellement bénéfique.
En outrre, les banques de leur côté, pour certains, limitent le nombre de dollars qu’elles vendent pendant la journée (100 $ US) et achètent démesurément cette même monnaie.
De plus, des voyages effectués par certains hauts fonctionnaires de l’administration publique, les séjours à l’étranger de nos bourgeois, de nos stars et un bon nombre de gens de la classe moyenne additionnés des transferts pour soutenir certains membres de leurs familles qui résident à l’étranger, le paiement de scolarité d’étudiants et élèves à l’étranger; sans compter l’État haïtien, pour importer du pétrole et d’autres produits nécessaires à son fonctionnement, pour payer certains hauts cadres, (surtout ceux qui représentent Haïti à l’extérieur) ont tous recourir à l’achat du dollar. Décisions qui impactent toutes la dépréciation de la gourde.
Ainsi voit-on, ce vouloir sans cesse d’acquérir le dollar américain, et ceci chez presque tous les agents économiques, est l’une des raisons de sa rareté et sa supériorité en valeur par rapport à la gourde. Conformément à la règle économique qui dit que « le prix de tout bien et/ou service marchand augmente automatiquement quand sa demande devient supérieure par rapport à son offre ».
Une balance commerciale négative dans les échanges commerciaux entre Haïti et ses clients étrangers
La balance commerciale est la différence, en termes de valeur monétaire, entre les exportations et les importations de biens et/ou de services dans une économie sur une période donnée. La balance commerciale d’un État ou d’une autre zone géographique ou économique (comme l’Union européenne) est l’élément de comptabilité nationale qui répertorie et résume ses exportations et importations de biens et de services marchands.
Le solde de la balance commerciale de son côté, qui marche de pair avec la balance commerciale est en effet la différence entre les valeurs des exportations et des importations de biens et de services. Une balance commerciale positive signifie que le pays exporte plus de biens et services qu’il n’en importe : on parle alors d’« excédent commercial » ou de « balance excédentaire ». Quand elle est négative, on parle de « déficit commercial ».
En effet, chez nous en Haiti, nous avons un déficit commercial selon les analyses, par le fait que le nombre de biens et service exporté est inférieur par rapport au nombre que l’on importe. Selon le quotidien haïtien Le Nouvelliste, le gouverneur de la Banque de la République d’Haïti (BRH), Jean Baden Dubois, au cours de l’émission «Grand rendez-vous économiques animée par Kesner Pharel, il a fait savoir que les importations du pays ont atteint les 4,7 milliards de dollars pour le dernier exercice pendant que les exportations ont évolué dans l’autre sens. Ces chiffres représentent une grande augmentation par rapport à ceux de l’exercice 2015-2017 qui étaient estimés à environ 4 milliards de dollars américains.
La Banque de la République d’Haïti (BRH) est une institution financière qui joue le rôle de banque centrale pour la République d’Haïti. À travers son Conseil d’administration elle a le pouvoir d’énoncer, de diriger et de superviser la politique monétaire. Elle autorise l’impression de billets et la frappe de monnaie, détermine les volumes des émissions (en accord avec la loi) et a le pouvoir d’injecter de nouvelles monnaies sur le marché économique national. C’est à cet égard que le Gouverneur de la BRH Jean Baden Dubois a injecté 10 millions de dollars dans l’objectif de contrecarrer la montée en puissance du dollar par rapport à la gourde. Une décision que l’économiste Enomy Germain déplore en montrant qu’il n’y aura qu’une stabilité de courte durée et que bientôt le gouvernement devra, si mesure sérieuse n’est prise, verser à nouveau de forte somme pour faire durer la stabilité. L’économiste Camille Chalmers, à son tour, déclare que l’effet ne sera pas pourtant de grande ampleur car le nombre de dollar en circulation dans le milieu de change est supérieur par rapport au montant versé par la BRH.
Ainsi, pour remédier à ce problème, l’injection de cette forte somme est une mesure parmi d’autres qui s’avère nécessaire. Toutefois, elle n’est pas la plus efficace. L’État doit en effet, à travers ses autorités compétentes en matière d’économie, prendre des mesures à long terme en vue de remédier définitivement à ce problème de dévaluation de la devise nationale. Il peut par exemple favoriser la production nationale sur les exportations étrangères qui sont en majeur partie, des denrées qui sont à notre portée de produire.
Jim LAROSE, auteur