La rédaction du journal en ligne Le Médiateur vous invite à lire in extenso la correspondance de Me Salim Succar adressée à l’ambassadeur du Canada accrédité en Haïti, le diplomate Sébastien Carrière. Ce, selon la teneur de cette correspondance, en vue de défendre son honneur et celui de sa famille face aux sanctions injustifiées adoptées contre lui par le Gouvernement Canadien pour financement de gangs et pour corruption à grande échelle.
Ce jeudi 16 février 2023, c’est avec indignation que j’ai appris sur les réseaux sociaux que le Gouvernement du Canada, que vous représentez en Haïti, avait inscrit mon nom sur une liste de personnalités frappées par des sanctions ayant toute sorte de motifs, dont celui, non avéré, retenu à mon encontre, que j’aurais accompli des actes de corruption à grande échelle.
La décision du secteur bancaire local, entre autres, de mettre en application ces sanctions et de bloquer systématiquement et arbitrairement les comptes en banque des sanctionnés m’a vite fait prendre conscience de la gravité de la situation et des risques de mort civile y attachés.
La présente se veut être une dénonciation de la légèreté avec laquelle des accusations fallacieuses, portées par des personnes dont je mésestimais les capacités de nuisance, ont pu trouver des oreilles complaisantes au sein de l’ambassade du Canada en Haïti, au point de les transmettre aux autorités étatiques canadiennes empressées d’exécuter des sanctions prévues par la résolution 2653 de l’ONU du 21 octobre 2022 et de sanctionner le soussigné en vertu du règlement du 15 février 2022 modifiant celui entré en vigueur le 3 novembre 2022 sur les mesures économiques du Canada visant Haïti.
Je ne doute pas en effet que vos attributions vous portent naturellement à faire part à vos supérieurs hiérarchiques du développement de toutes les activités locales haïtiennes susceptibles d’influencer la politique du gouvernement canadien vis-à-vis d’Haïti.
Ne voulant pas encore douter de votre bonne foi dans le désir affiché de contribuer à la lutte contre les gangs armés, cette lettre se veut surtout un plaidoyer en faveur d’un réexamen de la fiabilité de vos sources d’informations, assorti des rectifications qui s’imposent d’elles-mêmes auprès de votre gouvernement, de manière à ce que mon nom soit définitivement rayé de la liste de vos sanctionnés.
En ce qui concerne l’énormité des accusations de trafic d’armes, un retour en arrière s’impose : de mai 2012 à décembre 2014, j’ai été un collaborateur immédiat du Premier ministre haïtien d’alors, monsieur Laurent Salvador Lamothe. D’abord comme Directeur de cabinet pendant les trois premiers mois, puis comme conseiller juridique. Pendant cette période, le gouvernement auquel je prêtais mes services, prit la résolution de placer une commande d’armes, de munitions et d’équipements divers, destinés à la Police nationale, pour lui permettre de combattre la criminalité sans cesse grandissante. Ces équipements transitèrent du reste par le Canada, avec, bien sûr, l’aval de ce pays ami, lesquels contribuent jusqu’à présent à équiper la plupart des entités spécialisées des forces de police.
Plus de dix (10) ans après que les autorités compétentes que sont le Ministère de la Justice et de la Sécurité Publique et la Police Nationale d’Haïti eurent pris livraison de ces armes à la douane de Port-au-Prince 1 un ancien député élu en 2012, en mal de paraître ayant échoué à se faire élire sénateur de l’Ouest aux élections générales de 2016, s’amuse encore, après avoir échoué à maintes reprises, à m’accuser de trafic d’armes à feu. Ce personnage à moralité pour le moins douteuse, ancien repris de Justice se targuant d’avoir fait partie des Forces armées d’Haïti jusqu’à la démobilisation de celles-ci en 1995, entama alors une campagne médiatique tous azimuts visant ma personne ainsi que celle de l’ex premier Ministre Lamothe pour tenter de rester dans l’arène politique.
Ces graves accusations ne se cantonnèrent pas à être proférées au cours de « conférences de presse », largement relayées, mais firent l’objet au cours de ces dernières années de plaintes et dénonciations formelles auprès des autorités haïtiennes de poursuite en matière pénale, lesquelles, au vu de l’indigence de l’argumentaire et des pièces y attachées firent régulièrement classées sans suite par le parquet du Tribunal de Première Instance de Port-au-Prince 2 et qualifiées de diffamation par les tribunaux étrangers.3
Aussi, j’ai peine à m’imaginer que ces prétendues « informations » étayées sur de tels amalgames fomentés par un esprit dérangé, et aient pu être prises au sérieux par l’ambassade du Canada en Haïti. La résolution du 15 février 2023 du gouvernement canadien me concernant réfère à des « actes de corruption importants », à une « fraude à grande échelle » et à la « mauvaise gestion des fonds publics. », accusations gratuites ne serait-ce que du fait qu’à aucun moment de ma vie je n’ai été comptable de deniers publics.
1 Annexe 1: Copie de l’Accusé réception de la PNH
2 Annexe 2: Classements sans suite du Parquet
3 Annexe 3: Article du Nouvelliste confirmant le cas de diffamation
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Monsieur l’Ambassadeur,
Selon les informations qui me sont parvenues, il semblerait que votre deuxième source « d’informations », viendrait d’une personnalité du milieu des affaires devenue très proche de vous et avec laquelle j’ai entretenue une liaison romantique qui a mal tournée.
Ses diatribes ayant sans doute porté sur des faits allégués de corruption auraient été tenues à mon encontre, sous le sceau de la confidentialité et de l’immunité. Elles ont sans doute visé un tout autre agenda que celui du bien-être de la population. Elles ne pourraient avoir d’autre but que de jeter l’opprobre et le discrédit sur ma personne, ma famille et même mes collaborateurs. Cette personne étant assurée qu’elle a pu trouver des oreilles complaisantes au sein de l’ambassade du Canada en Haïti.
Soyez persuadé, monsieur l’ambassadeur que je défendrai mon honneur et ma dignité par devant toutes les instances concernées de votre pays, y inclus les commissions d’éthique au sein de votre gouvernement et de votre parlement.
Tout en saluant à leur juste valeur les efforts du Canada pour appuyer le gouvernement haïtien dans la lutte contre la prolifération exponentielle de gangs armés terrorisant, massacrant et kidnappant des membres de la population, ayant d’ailleurs personnellement échappé de justesse à une fusillade des gangs de Laboule 124 , ayant dû payer maintes rançons pour des proches collaborateurs victimes d’enlèvement et ayant rallié toute la société civile et des affaires pour la signature de la pétition du 26 mars 2022 contre l’insécurité 5, je me sens tout de même en droit de questionner la méthodologie des prises de sanctions décidées en toute opacité par votre pays, sans possibilité pour les concernés de se défendre, ou d’avoir accès au dossier d’inquisition dont ils sont l’objet, donc en violation flagrante des principes universels en matière de garantie judiciaire.
Des voies venant d’horizons divers commencent à se faire entendre pour de pareils questionnements. Ainsi, ce lundi 20 février 2023, la fondation « Droits Humains Sans Frontières » s’alarmant contre cet état de fait, a déposé au bureau du Haut-commissariat des Nations Unies un rapport contenant une analyse générale des droits humains en Haïti, dans lequel il est dénoncé ces nouvelles pratiques d’indexation sans preuves qu’elle juge illégales et arbitraires, et pour lesquelles une demande de réparation des dommages causés à la dignité de ces personnes.
Le soussigné se veut partie prenante de ce mouvement qui démarre et qui ne fera que s’amplifier dans les jours et les semaines à venir.
Pour terminer, et sans vanité aucune, je me targue au cours de mes vingt (20) ans de carrière comme avocat, d’avoir toujours travaillé du bon côté de l’état de droit ayant participé successivement à la mise en place de l’infrastructure haïtienne de lutte contre le blanchiment des
4 Annexe 4: Article sur l’attaque dont j’ai été la victime
5 Annexe 5: Copie de la Pétition contre l’Insécurité
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avoirs (CNLBA) à la mise en place de l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), ayant représenté Haïti au Groupe d’Action Financière de la Caraïbe (GAFIC), et au Groupe d’Action Financière International (GAFI), et ayant participé à la rédaction de la nouvelle loi de lutte contre le blanchiment des avoirs et contre le financement des activités terroristes ainsi qu’aux travaux visant à l’adoption de la loi contre la corruption. Ces actions rentrent en ligne droite de la logique de la carrière honorable que j’ai choisie.6
Monsieur l’Ambassadeur,
Je reste persuadé qu’après l’éducation, le bien le plus précieux que vous aspirez à transmettre tout comme moi à vos enfants, est un nom honorable et sans tâche, pour qu’ils gardent la tête droite.
Aussi, je vous demande, au regard de mon droit sacré à la défense et en vertu des principes du contradictoire et de l’État de droit, de bien vouloir me communiquer toutes les preuves que vous pourriez avoir et tous les témoignages qui vous ont conduits à susciter l’adoption unilatérale par votre Pays de cette décision grave et inique qui ne fait que ternir ma réputation et celle de ma famille.
Dans l’attente, tout en vous remerciant de votre attention à la présente qui se veut être une lettre ouverte, je vous prie d’agréer mes civilités.
Salim SUCCAR, Avocat
: M. Ariel Henry, Premier Ministre
: M. Jean Victor Généus, Ministre des Affaires Étrangères et des Cultes : Commissariat aux Conflits d’Intérêts et à l’Éthique
: Fondation « Droits Humains Sans Frontières »