Nous traversons depuis tantôt un an des périodes de tension dans le pays marquées par des vagues de violences et de refoulements sans précédents. La liberté de manifester pacifiquement est un droit constitutionnel. Les forces de l’ordre ont le devoir d’une part d’accompagner la foule et d’assurer le bon déroulement de son déploiement et d’autre part de punir les contrevenants le cas échéant.
Mais en Haïti, ni leader, ni force de l’ordre ne peut se targuer de pouvoir garantir une sortie pacifique d’une population en colère lors des manifestations. Quand cela devient rude et incontrôlable, les foules se font disperser à coups de gaz lacrymogène.
Mais c’est quoi ce gaz si familier aux manifestants ?
L’orthochlorobenzaldehyde malonitrile appelé aussi « Gaz CS », initial des (2) deux biochimistes qui l’ont synthétisé, Ben Orson et Roger Stoughton, est un agent anti-émeute de composés chimiques qui a pour seul but de produire des malaises dermatologiques, respiratoires et oculaires immédiats afin de rendre la victime incapable de se battre ou de résister. Nous parlons de gaz à tort car en fait ce n’en est pas un, c’est plutôt une poudre cristalline blanche qui se volatilise dans l’air.
Les forces de police utilisent les gaz lacrymogènes pour contrôler les foules, et les forces militaires les utilisent actuellement principalement pour la formation. Ces derniers ont été utilisés avant et pendant la Première Guerre mondiale. Son mécanisme d’action n’est pas bien connu.
Son usage abusif entraine les symptômes suivants :
Respiration : Toux, oppression thoracique, sensation de suffocation, essoufflement, augmentation de la fréquence respiratoire, respiration sifflante, éruptions, diminution de la saturation en oxygène, cyanose, œdème pulmonaire et arrêt respiratoire chez les jeunes enfants.
Cardiovasculaire : tachycardie, hypertension (on pense qu’il s’agit probablement d’une réponse psychologique aux situations où les gaz lacrymogènes sont généralement utilisés)
Peau et muqueuses : érythème, douleur, cloques de la peau, brûlures au premier degré (possiblement au deuxième degré)
Yeux : rougeur et irritation, brûlures de la cornée, douleur, déchirement, vision floue, œdème périorbitaire, lacération
Oropharynx : brûlures buccales et irritation, mal de gorge, enrouement, dysphagie et hypersalivation
Nasal : rhinorrhée, brûlure, irritation, éternuements.
La gravité des manifestations varie selon l’âge de la victime, les facteurs comorbides et la durée de l’exposition.
Que faire si vous vous trouvez exposer à ce terrible nuage blanc ?
-Fuyez ! Retirez-vous de la zone contaminée.
-Ne vous frottez pas les yeux, rincez-les avec de l’eau ou du sérum physiologique pendant 10-20 minutes après le lavage des mains.
-Enlevez vos lentilles si vous en portez.
-Pour votre peau de l’eau et du savon suffisent amplement.
-L’eau de Javel n’est pas du tout recommandée.
-Si vous êtes asthmatique, prière de garder sur vous en tout temps votre pompe.
– Les lunettes de natation protègent efficacement les yeux et le masque de chirurgien le bas du visage.
- Un foulard imbibé de vinaigre ou de citron sur le visage aide à respirer, l’acidité filtre les gaz.
-Ayez une attention spéciale pour les enfants, les infirmes, les vieux ou toute autre personne en danger.
En somme, les gaz lacrymogènes ne sont pas destinés à tuer, mais à rendre une victime momentanément impuissante. Toutefois, dans certaines circonstances, elles peuvent entraîner des séquelles médicales à long terme, y compris la mort. Même si c’est le deuxième recours auquel la police a droit face à la foule, un usage excessif reste cependant néfaste.
Dr Jean Philippe CASIMIR
E-mail : Philippelegrandhaiti@gmail.com