À côté de ce douloureux cortège de faits accablants qui salissent les pages de notre histoire, on assiste aussi dans la plus grande sérénité apparente à la descente d’une Nation en chute. Les tirs sporadiques deviennent le cantonnement de tous les jours ; les cadavres sont comme des statuts exposés aux touristes; le niveau d’insécurité est à son zénith. Ce n’est pas dans un film d’horreur mais la réalité de notre quotidien.
Si le jaillissement de la lumière peut aveugler ce qui se trouve au fond du trou, mais après quelques temps y renaitra la vue et la vie rayonnera. Avec le peuple haïtien, la lumière reste cachée dans l’ombre tandis que l’on feint de la voir et même la toucher.
Dans le crépitement de notre histoire, nous sommes toujours à nous-mêmes nos propres bourreaux, toujours prêts à détruire nos rêves, le peu qu’il nous reste. Ce n’est pas étonnant si l’éducation du pays est troquée pour le plaisir d’un Chef d’État irresponsable alors que la masse populaire reste dans l’obscurantisme.
Le pays est divisé en deux groupes : un groupe qui vit au détriment du sort de l’autre mais qui fait semblant d’être le héros de l’histoire ou qui se croit victime d’un système corrompu, et un autre groupe qui croupit dans la misère et qui vit leur quotidien à travailler à la manière des primitifs.
À tous les hommes, à tous les âges, à toutes les époques, nous jetons des frustrations, de toutes les revendications, les besoins sont restés les mêmes. De là, l’on comprend très bien que les effets sont similaires. La masse devient plus vulnérable face aux exigences, la classe moyenne se limite à un feint confort tout à fait déguisé, la classe bourgeoise tient l’économie du pays tout en manipulant les dirigeants marionnettes, sûrement les causes se reproduisent. Entretemps le bien-être du citoyen haïtien reste une imagination.
Les gouvernements font la queue pour s’assouvir de la corruption et nos dirigeants se chamaillent. Aux élections ils sont plus d’une centaine à se bousculer, à qui aura le trésor pour remplir leur compte avec l’argent de nos durs labeurs? Ils s’empiffrent aussi rapidement que leur passage est court.
Irons-nous toujours culbutant nos gouvernements sans presque jamais perdre haleine, appelant au contraire plus volontiers que les nouveaux pouvoirs à se réédifier sur les détestables bases d’où il faut les culbuter? Combien de fois allons-nous combattre ce système qui se régénère ensuite? Ce jeu, cette folie, ne nous déshonorent-ils pas?
Entretemps les dettes s’accumulent, les crimes se divergent et se diversifient. On se lève chaque matin avec le bâillement du désespoir et on se couche en apprenant que l’avenir est avorté.
La Nation n’a plus rien à offrir alors qu’elle perd tout : ses intellectuels, ses professionnels, ses terres arides, ses hommes et ses femmes, sans oublier l’honneur. Plus de la moitié de la population rêve de se voir n’importe où sauf en Haïti. Parfois, ceux qui pensent à une meilleure condition désespèrent dans leur pensée, c’est comme si leur cerveau a cédé au délire. Leurs choix sont douteux et incertains.
Dans cette politique de bilboquet, le peuple haïtien s’acharne sur son destin incertain. Il frappe à grand poing la porte de la justice, du travail, du respect des droits.
Les lois elles-mêmes sont fausses et tordues dans cet effondrement de notre conscience. Elles laissent à l’État le verdict pour qu’il puisse mieux dévaliser les fonds publics.
La société haïtienne a des origines exceptionnelles, un ensemble de semence qui nous élève au paroxysme de l’exploit mais par la suite nous avons tant de malheurs, tant de déceptions continuelles qui nous réduisent à l’état le plus abject.
Alors que les causes profondes de la masse du peuple se meurent au fond du silence, par faute de solidarité, les gouvernements eux utilisent son ignorance comme une arme pour mieux la détruire.
Dans la froideur de cette injustice, on accepte le mal comme normal, ou parfois l’on se résigne de notre sort.
« Qu’ils fassent ce qu’ils veulent avec le pays, je ne m’en cure aucunement ». Cependant ils oublient qu’ils sont dans la barque et qu’ils risquent de périr dans cette barque corruptible.
Pour enfin le dire, il est peiné de se demander si cela est d’une volonté nationale d’être toujours en gestation pour toujours avorter.
Lamaria