À l’initiative du Réseau Civisme et Droits de la Personne (RECIDP) et du projet Justice Sector Strengthening Program (JSSP), Eloquence Club de Plaidoirie a livré, ce jeudi 16 mai 2019, à la Faculté de Droit et des Sciences Économiques et de Gestion du Cap-Haitien, un match de débat argumenté ou procès fictif chronométré baptisé : « Le Procès Mi-homme, mi-loa ».
Les faits se résument ainsi : « Marc SERAPHIN, suite à son internement dans un péristyle, a porté plainte contre Soifaite ORDENA, son houngan traitant, pour coups et blessures. Ce dernier, se défendant soutient qu’au moment des faits, il était possédé par le loa Tijan Dantor ».
En prélude de la publication du nouveau Code Pénal haïtien, Éloquence Club de Plaidoirie, une structure socio-universitaire, se donnant pour mission de questionner les tabous de la société en plaidant, a soulevé à cette faculté un ensemble de réflexions sur l’impact du vodou dans les affaires socio-juridiques à travers cette joute oratoire.
Ce procès fictif a permis d’explorer les limites du Code Pénal haïtien et du Code de procédure pénale actuels au regard de certains faits, nés de l’évolution de la société et de la culture.
Devant un public sélect composé de professeurs, d’avocats, et étudiants en droit, les avocats-débatteurs des deux équipes se sont contredits à travers des arguments solides pour convaincre le jury.
La partie demanderesse composée de Jéthro CAZI et Marhit Myrtha JEANTY a plaidé la thèse de la responsabilité civile et pénale du houngan qui aurait brûlé Marc SERAPHIN sur la joue gauche, lors de la cérémonie de « Koupe Gad« ; tandis que la partie défenderesse, composée de Kendaly JEAN BAPTISTE et Stevens Grégor GABRIEL a défendu la thèse de l’absence de provision légale régissant la matière, impliquant l’irresponsabilité du leader religieux en état de transe au moment de l’acte duquel on lui reproche.
Ils ont prouvé, à l’aide d’arguments anthropologiques, sociologiques et psychologiques que les loas existent; qu’il y a nécessité d’aujourd’hui d’adapter nos codes aux réalités quotidiennes.
Les deux équipes ont plaidé pour un nouveau Code Pénal et un nouveau Code de procédure pénale qui prendraient en compte les réalités socioculturelles haïtiennes.
Lors de ce procès, les débatteurs ont cherché à trouver des réponses aux questions suivantes : Cette transe alléguée par les témoins est-elle prouvable ou réfutable ? En l’espèce, que dit la législation haïtienne sur la transe et la possession d’une personne par un LOA ? Comment démontrer objectivement le fait qu’une personne soit sous l’emprise d’un LOA ? Comment démontrer l’absence de responsabilité pénale et/ou civile du houngan dans cette affaire ? Quelles sont les limites de la liberté de conscience et de religion par rapport aux internements dans les péristyles ? Le projet du nouveau code pénal haïtien prend-t-il en compte ces réalités haïtiennes et comment peut-il aider à prévenir ou réprimer ces actes ?
Le verdict a été prononcé en faveur de la partie défenderesse qui a élégamment justifié les intérêts du houngan Soifaite ORDENA.
Dans l’ensemble, ce fut un débat éloquent, argumentatif, très intéressant et aimé par le public. Aux dires de plus d’un, ce procès fictif a le mérite, à la fois d’être une excellente méthode d’apprentissage pour les étudiants qui y ont participé, mais également une source de motivation pour tous ceux qui y ont assisté.
Rappelons que cette simulation de procès s’inscrit dans le cadre d’une série d’activités d’éducation civique du RECIDP. Elle s’inscrit également dans la perspective d’une réforme en profondeur de la justice en Haïti.
Le Médiateur