La publication du rapport 2 de la CSC/CA, le 31 mai 2019, sur la gestion des projets financés par le fonds PetroCaribe a soulevé des émotions ou l’indignation de plus d’un dans le pays et ailleurs. Ce rapport, indexant des grands commis de l’État, a déstabilisé le pays et l’anarchie tend à s’installer. On vous expose une lecture critique à travers des irrégularités constatées et au regard de la conjoncture.
Il est admis qu’en toute démocratie moderne, la reddition des comptes est un principe devant aboutir à la consolidation des relations de confiance entre le peuple et ses représentants.
Nombreuses sont des révolutions qui ont eu lieu pour l’application de cette valeur où les citoyens exigent la transparence dans la gestion des affaires publiques, notamment les finances publiques. Est-ce pourquoi des institutions sont créées pour assurer cette responsabilité.
La République d’Haïti ne constitue pas une exception à cette règle, considérant les mouvements qui ont conduit à l’avènement de la démocratie et, du coup, à la consolidation de ce principe dont l’institution phare chargée d’assurer cette mission est la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA). Mais, cette démocratie est menacée quand cette institution se laisse prendre dans l’empressement et la précipitation pour faire son travail et vu les effets dévastateurs qu’elle risque d’engendrer si le travail est « bâclé » comme en témoigne la récente publication de son rapport 2 sur la gestion du fonds PetroCaribe.
Il s’agit, à travers des éléments clairs, de porter un regard critique sur ce rapport de la CSC/CA qui ne cesse de défrayer la chronique.
La remise de ce rapport par la Cour au Sénat de la République le 31 mai 2019 a eu l’effet d’une bombe en raison du fait que de hauts responsables du pays y sont épingles, en particulier l’actuel Président de la République Jovenel Moïse à plus d’une cinquantaine reprises. Depuis lors, des militants, des membres de l’opposition composite, des vengeurs, des agitateurs de la foule, des opportunistes utilisent ce rapport pour exiger la démission du chef de l’État. Or, une lecture critique de la conjoncture et du rapport 2 permettent de se questionner sur la sincérité de celui-ci dont nous allons regarder sous deux (2) angles : des précisions et des irrégularités du rapport, sans avoir la prétention de disculper un individu quelconque.
Des précisions du rapport
Il est nécessaire de signaler que la deuxième partie du rapport de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSC/CA) sur la gestion du fonds PetroCaribe sur la période allant de 2008 à 2016 a apporté certaines précisions que nous ne saurions laisser passer sous silence. En effet, comme l’avait mentionné une des publications de « Le Médiateur », la CSC/CA a apporté trois (3) remarques nécessaires sur lesquelles nous nous n’attarderons pas ici.
Des irrégularités du rapport
Cette partie nous invite à nous questionner sur la sincérité de ce document de 612 pages, considérant l’empressement et la précipitation avec lesquels il a été publié pour plusieurs raisons :
La non consultation de la Direction Générale des Impôts (DGI), une institution importante dans la préparation d’un tel rapport a constitué une irrégularité majeure dans l’élaboration de celui-ci. En effet, la Cour prétendait que deux firmes-Agritrans et Betex- avaient les mêmes caractéristiques Ce qui a été démenti officiellement par le Directeur Général de la DGI, Miradin Morlan, qui a révélé que le numéro de patente de l’Agritrans est le 44-07-23-25-92 tandis que celui du Betex est le 13-28-36-83.
De plus, selon Miradin Morlan, leur numéro d’immatriculation est totalement différent : pour l’Agritrans le numéro est 003-627-321-7 tandis que celui du Betex est 000-541-180-6.
La date du contrat de la firme Agritrans est le 25 novembre 2014 alors que celle de Betex est le 12 décembre 2014. Par ailleurs, chacune de ces firmes avait la tâche de réhabiliter la tronçon de la route Borgne/Petit-Trou de Borgne.
Ces irrégularités dans le rapport de la Cour soulèvent de plus en plus de doute de doute sur sa sincérité et les vrais motifs des instigateurs de ce document si nous nous rappelons que des Sénateurs de l’opposition sont pour beaucoup dans son élaboration.
Ensuite, concernant les bracelets, on s’en souvient du scandale que cela avait provoqué, lorsqu’à la lecture de ce rapport la Cour a mentionné qu’un montant de 900 000 dollars US a été viré sur le compte du FAES pour la confection de 11 000 bracelets en silicone. Encore une fois, cette gaffe de certains membres de la Cour, exploitée par des agitateurs de la foule, a provoqué une situation déstabilisatrice qui a conduit l’institution à préciser dans sa deuxième version qu’il s’agissait d’u montant en gourdes. En voilà une précipitation dont on parle.
De plus, précisons que ce fut des bracelets destinés au programme « Ti manman chéri » et non des bracelets de PHTK.
En outre, peut-on se demander pourquoi des parties prenantes n’ont pas été interrogées pour la préparation de ce rapport à effet déstabilisateur pour le pays ?
Malheureusement, cette publication du rapport 2 sur la gestion des projets financés par le fonds PetroCaribe vient de créer une situation troublante, une confusion telle que chacun se demande s’il n’est pas impliqué dans la dilapidation de ce fonds qui représentait une aubaine pour Haïti.
D’ailleurs, même la Cour est indexée dans la mauvaise gestion du fonds PetroCaribe.
L’analyse des transactions effectuées dans le cadre du projet visant à être utilisé dans le cadre du Renforcement Institutionnel de la CSC/CA a permis à la Cour de constater qu’il n’a pas été mis en œuvre de manière efficiente (pages 526-527 du rapport) .
En outre, la Cour fait partie d’un ensemble d’institutions qui ont reçu des financements du Fonds PetroCaribe non retracées dans les résolutions. Et des irrégularités aux bonnes pratiques de gestion sont retracées (page 525 du rapport).
Ce qui renforce une confusion sur qui est qui dans ce pays. Mais, la débâcle continue. Alors que l’on ne cesse de ressasser que la charité bien ordonnée commence par soi-même.
Ces différentes maladresses relevées dans ce rapport aux effets pervers, comme on l’a signalé tantôt, soulèvent nos doutes sur la sincérité de ce document administratif ponctué à lui-même d’irrégularités flagrantes.
Pire encore, depuis sa publication, le pays se dirige tout droit vers l’anarchie où des manipulateurs de tout genre, des faiseurs de Roi se transforment en donneurs de leçons, des agitateurs de la foule incitent à la violence alors que ce dossier devrait se traiter dans le calme et la sérénité en laissant à la justice de faire ce qui lui revient. Mais, la foule, le peuple, le grand perdant se laisse berner et des casseurs s’infiltrent pour régler leur compte. Et, Haïti meurt à petit feu.
Il est vrai que le principe de la reddition de comptes exige la transparence dans la gestion des affaires publiques, mais notre bon sens nous montre, d’une part, que si une partie (le peuple) est sincère dans ses revendications, d’autre part, on voit des renards se transformer en mouton pour faire des protestations populaires un règlement de comptes en leur qualité de mauvais perdant.
Nombre sont ceux qui croient que le procès PetroCaribe sera le procès du siècle puisqu’il est l’occasion de mettre un frein à l’impunité et de rappeler que les deniers publics ne seront jamais l’argent de poche d’un commis de l’État, mais Haïti risque de rater cette opportunité si notre jeunesse citoyenne ne reste pas sur ses gardes. Ce ne sera pas possible sans un procès juste et équitable.
Kendy95