La situation sécuritaire à Port-au-Prince atteint des niveaux alarmants, exposant les citoyens à des violences quotidiennes, notamment ceux de la fonction publique. Les gangs contrôlent environ 85 % de la capitale, rendant les déplacements extrêmement dangereux. Face à cette menace, de nombreuses institutions publiques et privées ont choisi de fermer leurs portes ou de relocaliser leurs activités vers des zones plus sûres, comme Delmas et Pétion-Ville. Pourtant, la Banque de la République d’Haïti (BRH) maintient ses opérations en plein cœur du chaos, mettant en danger les employés de l’État qui n’ont d’autre choix que de s’y rendre pour encaisser leurs salaires.
Un calvaire mensuel pour les employés de l’État
Si les employés de la BRH bénéficient de transports blindés, il n’en est pas de même pour les fonctionnaires et prestataires de services de l’administration publique. Pour ces derniers, se rendre à la BRH, situe en plein territoire sous le contrôle des gangs, est un véritable parcours du combattant.
1- Ils doivent payer cinq fois plus cher un taxi-moto pour aller et revenir de la banque.
2- Ces chauffeurs de taxi-moto sont parfois des bandits déguisés ou des informateurs des gangs.
3- Les criminels laissent passer leurs victimes à l’aller, sachant qu’elles ressortiront avec du cash, pour ensuite les braquer sur le chemin du retour.
4- Certains fonctionnaires sont victimes de vols collectifs orchestrés par des gangs qui les attendent au détour des rues désertes.
Mona, une employée du ministère de l’Éducation, en a fait les frais : « Je suis allée encaisser mon chèque après avoir travaillé tout un mois pour nourrir mes enfants. Sur le chemin du retour, deux hommes armés m’ont bloquée. Ils m’ont tout pris. Maintenant, mes enfants ne peuvent plus aller à l’école. »
De son côté, Ernst Jean-Joseph, un fonctionnaire frustré, fustige l’inaction du gouverneur de la BRH, Ronald Gabriel : « S’il reste en place malgré cette insécurité insoutenable, c’est qu’il est de connivence avec les gangs. Ici, c’est presque un désert. Il n’y a que les gangs et la BRH qui le fréquentent. Les oiseaux de même plumage s’attroupent. »
Des solutions existent, mais la BRH ne bouge pas
Face à cette crise, Ronald Gabriel, le gouverneur de la BRH semble totalement indifférente au sort des citoyens. Pourtant, plusieurs solutions pourraient être envisagées pour réduire les risques :
1- Ouvrir un bureau temporaire dans une zone sécurisée, permettant aux fonctionnaires d’encaisser leurs chèques sans risquer leur vie.
2- Déléguer cette tâche à une banque commerciale, comme la BNC ou la Sogebank, pour éviter aux employés de traverser des zones contrôlées par les gangs.
3- Faciliter les paiements électroniques, afin que les salaires soient directement virés sur des comptes bancaires et non encaissés en liquide.
Une absence totale de leadership
Ronald Gabriel a récemment reconnu que 174 entreprises ont fermé en raison de l’insécurité. Mais aucune mesure concrète n’a été prise pour protéger les employés de la fonction publique, qui sont pourtant au cœur du fonctionnement de l’État.
Pourquoi ce silence ? Pourquoi ces décisions évidentes ne sont-elles pas appliquées ? Faut-il attendre qu’un massacre soit perpétré sur les fonctionnaires dans ces rues désertes pour que la BRH réagisse ?
L’État doit assumer ses responsabilités
Les citoyens haïtiens font déjà preuve de résilience face à l’insécurité. Dans plusieurs quartiers, des habitants érigent des barricades pour se protéger. Mais ces solutions locales ne peuvent pas remplacer une véritable politique de sécurité et de gouvernance.
La BRH, en tant qu’institution centrale, doit protéger non seulement ses employés, mais aussi ceux qu’elle sert. Son refus d’agir envoie un message clair : la vie des fonctionnaires n’a aucune valeur à leurs yeux.
Diriger, c’est prévoir. À quand une vraie réponse de la BRH ?
Mario Jean-Pierre